Jusqu'à maintenant, la bande dessinée franco-belge était à l'honneur dans cette rubrique. Étonnant, me disait-on, que le Japon et son lot de bizarreries d'anthologie n'y figure pas, sauf que je distingue clairement "l'étrange" du "ridicule", deux choses complètement différentes. Une parodie déjantée est-elle ridicule ? Peut-être, mais le côté raté n'y est pas, raison même pour laquelle quelque chose devient ridicule. Voilà pourquoi, malgré mes tentatives incessantes, je n'ai jamais réussi à mettre la main sur un manga qui puisse être suffisamment irréaliste ou purement con. Il y avait bien des shôjos dotés d'un scénario aux raccourcis aussi palpitants qu'un vieux porno, et alors ? Pas de quoi s'affoler, ou rire un grand coup. Quand soudain, ma vie a pris un tournant. Au détour de mes pérégrinations sociales, l'évidence même m'a frappé. Une étrangeté si riche, si époustouflante au stade même du simple résumé sur internet que je ne pouvais pas passer à côté. Quand le What the fuck épouse le potache, le malsain, le scatologique et l'intrigue amoureuse, le résultat ne peut jamais être décevant. Mesdames et messieurs, laissez de côté tout ce que vous pouviez avoir envie de faire, sortez vos dictionnaires de synonymes et serrez bien fort les fesses parce qu'aujourd'hui, on va parler cul. Décortiquons ensemble... Anus beauté.
Ah oui, n'est-ce pas ? Le titre fleure bon la promesse. Je vous entends déjà frissonner mais l'ultime plaisir sadique de casser l'ambiance me revient. Oubliées, les images de hentaï, bonjour hémorroïdes ! Sous ce titre déjà absurde en lui-même se cache en réalité un diptyque à vocation pédagogique et thérapeutique, préfacé par Marina Carrère d'Encausse. Un manga préfacé par Marina Carrère d'Encausse, oui, qui raconte comment la position d'un examen de l'anus "ne nous met guère en valeur". A ce stade de la lecture, il est normal d’éprouver une impatience frénétique accompagnée de frissons partout, partout.
Ah oui, n'est-ce pas ? Le titre fleure bon la promesse. Je vous entends déjà frissonner mais l'ultime plaisir sadique de casser l'ambiance me revient. Oubliées, les images de hentaï, bonjour hémorroïdes ! Sous ce titre déjà absurde en lui-même se cache en réalité un diptyque à vocation pédagogique et thérapeutique, préfacé par Marina Carrère d'Encausse. Un manga préfacé par Marina Carrère d'Encausse, oui, qui raconte comment la position d'un examen de l'anus "ne nous met guère en valeur". A ce stade de la lecture, il est normal d’éprouver une impatience frénétique accompagnée de frissons partout, partout.
Alors, entamons. Une jeune fille et un jeune homme effrayé. « Quand on s’est rencontrés, tu m’avais promis qu’un jour… ». Plan serré sur la culotte qu’on retire, bon, c’est le Japon. Le jeune homme pas à sa place, la culotte jetée, la jeune femme tenant serré dans ses dents un tube de pommade, « … Tu t’occuperais de mon anus ». Attends, pardon ? En dehors du fait qu’on démarre sur des chapeaux de roue et que décidément, on sent qu’on va plutôt bien se marrer, inutile de dire que le malaise du jeune homme semble un brin justifié. Vous imaginez, vous, une écolière japonaise vous fixant d’un regard vide, un tube de médicament entre les dents et exigeant de vous de lui tartiner sa rondelle pleine d’hémorroïdes ? Même sans être plus que puceau, il y a de quoi pleurer. Mais poursuivons.
Yakushiji est donc atteint d’hémorroïdes, ce qui a le don de lui gâcher sympathiquement la vie. Entre deux pauses-toilettes pour se coller un doigt dans le fondement et se remettre les veines en place, il est amoureux de Komatsu sans pouvoir le lui avouer. Eh oui, on drague rarement avec le doigt qui pue. Quand tout à coup, une jeune femme au regard éteint, la fameuse du prologue, glisse un petit mot à Yakushiji l’invitant à la retrouver seule dans une classe, à la tombée de la nuit, pour parler de « son derrière ». Le moment venu, Miura lui dit qu'elle sait, étant elle-même atteinte du même mal. Yakushiji ne peut croire qu’elle a découvert son terrible secret et nie en bloc. Alors, afin de le mettre devant le fait accompli, Miura tabasse Yakushiji en plein dans le tromblon, pour le jeter à quatre pattes de douleur, lui arracher violemment son pantalon et témoigner d’un très léger manque de politesse en lui enfonçant sans préavis un tube de pommade dans le fion. Yakushiji s’évanouit.
Yakushiji est donc atteint d’hémorroïdes, ce qui a le don de lui gâcher sympathiquement la vie. Entre deux pauses-toilettes pour se coller un doigt dans le fondement et se remettre les veines en place, il est amoureux de Komatsu sans pouvoir le lui avouer. Eh oui, on drague rarement avec le doigt qui pue. Quand tout à coup, une jeune femme au regard éteint, la fameuse du prologue, glisse un petit mot à Yakushiji l’invitant à la retrouver seule dans une classe, à la tombée de la nuit, pour parler de « son derrière ». Le moment venu, Miura lui dit qu'elle sait, étant elle-même atteinte du même mal. Yakushiji ne peut croire qu’elle a découvert son terrible secret et nie en bloc. Alors, afin de le mettre devant le fait accompli, Miura tabasse Yakushiji en plein dans le tromblon, pour le jeter à quatre pattes de douleur, lui arracher violemment son pantalon et témoigner d’un très léger manque de politesse en lui enfonçant sans préavis un tube de pommade dans le fion. Yakushiji s’évanouit.
Alors mettons ça au clair tout de suite, je crois que ceci est un viol. Je sais qu’on ne dirait pas, hein, qu'on dirait qu'elle veut l'aider à combattre sa maladie et que Yakushiji semble lui être vachement redevable au point de devenir sa chienne tout le long du manga, mais je suis à peu près sûr que ceci est un viol. Et voilà bien le trésor d’Anus beauté, Miura est une putain… de grosse… psychopathe ! D’un stoïcisme effrayant quand elle photographie son trou de balle au réveil, idem lorsqu’elle l’attend chez lui sans même avoir les clefs ou quand elle essaye de détruire les toilettes de la maison des parents de Yakushiji. Et même quand elle lui offre sa propre poire à lavement... Ah merde, ce qui me fascine le plus, c’est lorsqu’elle donne un conseil à Yakushiji. Peu importe qu’ils se trouvent à l’école, chez lui, dans un parc, à n’importe quelle heure de la journée, Miura illustrera toujours ses propos en sortant inopinément de son sac à dos un plan en coupe, un petit théâtre de marionnettes baptisés « Petit caca et mimi bol de riz » ou, encore mieux, une poupée à l’effigie de Yakushiji lui-même pour lui démontrer la source du problème de ses hémorroïdes. Permettez-moi de vous dire que si un jour, une jeune femme sort de son sac, comme ça, en pleine rue, une poupée à mon image et m’explique qu’elle sait que je suis constipé, je n’hésiterais pas à porter plainte. Si possible, avant qu’elle m’arrache mon jean et me colle un doigt dans la turbine.
Mais laissons de côté le personnage de Miura, bien qu’il y ait tellement plus à dire – j’ai notamment oublié de mentionner le panier-repas qu’elle lui apporte de force à l’école, avec marqué sur le riz « pour faire caca plein de fibres » à l’aide d’algues. L’autre délice d’Anus beauté découle simplement du côté, disons… théâtral de la composition de tout manga. On est habitués, depuis pas mal d’années, à lire ou voir des personnages dans des poses absolument exagérées, suinter magistralement la testostérone. Mais que dire quand Yakushiji, au lendemain de s’être fait molester et violer dans la salle de classe, se représente Miura en « ange de lumière », un tube de pommade gigantesque dans la main tandis que lui, chevalier de fantasy, s’agenouille pour lui tendre la main ? Et avant que vous ne vous m’arrêtiez, non, ce n’était pas une figure burlesque. Le gars imagine vraiment sa violeuse en ange étincelant lui apportant un pot de pommade. Alors entre ça, la course en caleçon dans les roses sur l'air de « Libérée, délivrée » de La Reine des Neiges, ou le lever de soleil vu à travers son troufion, impossible de ne pas considérer ce diptyque comme déjà culte. Ah, j’oubliais les plans en coupe de fistules, de fissures annales et de thromboses hémorroïdaires insérés en plein milieu du récit, les conseils personnels du mangaka et la multitude de plans-culotte pour faire plaisir à son éditeur qui voulait de l’étudiante en chaleur (véridique). Et aussi le chapitre appelé « Bon repas, bon cac… » qui est là pour vous apprendre à donner une « consistance souple au caca ».
Vous voyez ? Anus beauté n'est pas complètement un navet parce qu'il voulait être drôle, mais n'a pas su l'être exactement comme il en avait l'intention. C'est exactement la définition d'un nanar. S'il est fauché, je n'en sais rien, mais il parle d'hémorroïdes d'adolescentes pour atteindre un quota d'uniformes sexy, essaye de faire du fantasme à base de fistules et est préfacé par Marina Carrère d'Encausse. Si ce livre ne représente pas à vos yeux l'exemple-type d'un trésor, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Pour tous les autres, friands de fin second degré et de caca, n'hésitez plus une seule seconde, parce que sous ses airs de toucher rectal, Anus beauté est beaucoup plus doux. Un genre de caresse délicate, enduite de pommade anti-saloperies qui polluent les rayonnages des librairies. C'est un stimuli délicat qui vous fera mourir de rire sans aucune retenue. En un mot, putain : c'est magique.
Anus beauté Tome 1, Takeshi Ohmi. Kurokawa, avril 2016. 176 p, 8,90 €.
Sur le site de l’éditeur
Vous voyez ? Anus beauté n'est pas complètement un navet parce qu'il voulait être drôle, mais n'a pas su l'être exactement comme il en avait l'intention. C'est exactement la définition d'un nanar. S'il est fauché, je n'en sais rien, mais il parle d'hémorroïdes d'adolescentes pour atteindre un quota d'uniformes sexy, essaye de faire du fantasme à base de fistules et est préfacé par Marina Carrère d'Encausse. Si ce livre ne représente pas à vos yeux l'exemple-type d'un trésor, je ne sais pas ce qu'il vous faut. Pour tous les autres, friands de fin second degré et de caca, n'hésitez plus une seule seconde, parce que sous ses airs de toucher rectal, Anus beauté est beaucoup plus doux. Un genre de caresse délicate, enduite de pommade anti-saloperies qui polluent les rayonnages des librairies. C'est un stimuli délicat qui vous fera mourir de rire sans aucune retenue. En un mot, putain : c'est magique.
Anus beauté Tome 1, Takeshi Ohmi. Kurokawa, avril 2016. 176 p, 8,90 €.
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