Il y a des fois comme ça, où l’on rêverait d’avoir fait des études de cinéma, de coucher régulièrement avec un réalisateur en vue à Hollywood, de menacer de pirater le système informatique de la Cité du Cinéma ou juste d’enlever Quentin Tarantino devant les caméras nationales, simplement pour réclamer que notre découverte récente soit adaptée. Et fissa, bordel. Et puis, une fois que notre système a évacué le trop plein d’adrénaline qui nous pourrissait les veines, on se dit que c’était stupide, comme idée. Priver le monde du style de l’auteur, du dessin de l’illustrateur et le remplacer par une interprétation filmique, aussi talentueux soit le réalisateur, aussi personnel le film soit-il, eh bien, c’est un crime. Un crime affreux. Oui, Bedlam est de ce genre de comics où il est plus magnanime de laisser la populace dans l’ignorance plutôt que de lui servir une pâle copie insultante. Tu m’as bien entendu, Joel Schumacher. Tu n’avais pas le droit. Enfoiré.
Lorsque j’ai entendu parler de Bedlam avant sa sortie, lorsque seuls le visuel de la couverture et une rapide accroche étaient disponibles, je sentais la piste intéressante à ne pas foirer avec un mauvais traitement. Je préfère toujours prendre mes distances dans ces cas-là et ne m’attendre à rien. Quelle splendide idée, n’est-ce pas ? Ne s’attendre à rien. Ne vous attendez jamais à rien, et vous verrez.
Quand soudain. Pour résumer, Bedlam est l’histoire de Madder Red, un tueur en série psychopathe à mi-chemin entre l’humour schizophrénique de Deadpool et le sadisme du Joker, qui n’hésite pas à y aller franco, y compris avec des centaines d’enfants, juste pour foutre le chaos dans la ville de Bedlam. Alors qu’il est à l’apogée de son crime et qu’il réalise son coup de maître, il est déclaré mort par les autorités après l’explosion de la salle d’interrogatoire dans laquelle il se trouvait. En fait, il est ailleurs, capturé par un médecin aux intentions bienveillantes, certes, si on regarde de loin, mais qui fait quand même gravement flipper surtout si on se demande pourquoi et qui lui a demandé de soigner Madder Red. Mais il y arrive. Et lorsque Fillmore Press, le vrai visage de Madder Red, revient à la vie civile, il ne demande qu’à s’amender, sur les conseils de son médecin. La seule chose qui lui vient à l’esprit est de mettre ses compétences « spéciales » au profit de la police. Ce qui tombe bien, la ville est en train de subir une vague de meurtres sans précédent. Enfin… sans autre précédent que celui de Madder Red, bien sûr.
Lorsque j’ai entendu parler de Bedlam avant sa sortie, lorsque seuls le visuel de la couverture et une rapide accroche étaient disponibles, je sentais la piste intéressante à ne pas foirer avec un mauvais traitement. Je préfère toujours prendre mes distances dans ces cas-là et ne m’attendre à rien. Quelle splendide idée, n’est-ce pas ? Ne s’attendre à rien. Ne vous attendez jamais à rien, et vous verrez.
Quand soudain. Pour résumer, Bedlam est l’histoire de Madder Red, un tueur en série psychopathe à mi-chemin entre l’humour schizophrénique de Deadpool et le sadisme du Joker, qui n’hésite pas à y aller franco, y compris avec des centaines d’enfants, juste pour foutre le chaos dans la ville de Bedlam. Alors qu’il est à l’apogée de son crime et qu’il réalise son coup de maître, il est déclaré mort par les autorités après l’explosion de la salle d’interrogatoire dans laquelle il se trouvait. En fait, il est ailleurs, capturé par un médecin aux intentions bienveillantes, certes, si on regarde de loin, mais qui fait quand même gravement flipper surtout si on se demande pourquoi et qui lui a demandé de soigner Madder Red. Mais il y arrive. Et lorsque Fillmore Press, le vrai visage de Madder Red, revient à la vie civile, il ne demande qu’à s’amender, sur les conseils de son médecin. La seule chose qui lui vient à l’esprit est de mettre ses compétences « spéciales » au profit de la police. Ce qui tombe bien, la ville est en train de subir une vague de meurtres sans précédent. Enfin… sans autre précédent que celui de Madder Red, bien sûr.
Comme je le disais, une idée de base qu’il ne faut pas gâcher. Parce que soyons sérieux, ce thème a été usé jusqu’à la corde, et surtout avec la popularisation de Dexter par son adaptation en série télé. L’assassin qui aide la police, oui, d’accord, on connait. Là où on sent la différence, c’est dans la complexité de l’évocation du personnage. La différence avec un simple tueur qui aide la police pour se sentir plus intelligent, pour garder un œil sur l’enquête ou pour faire le plein de victimes potentielles parmi les criminels, c’est que Fillmore est guéri. Je risque peut être de spoiler à moitié, mais je vais rester laconique en disant que Fillmore est juste incapable de faire le mal aujourd’hui. Et pourtant, il est terrifiant rien qu’à le voir, parce qu’on connait son passé, on sait ce qu’il a été capable de faire, on est au courant qu’il n’a aucune, mais alors aucune morale. Alors pourquoi sa fascination morbide pour l’enquête en cours ? Pourquoi manipule-t-il les flics pour faire ses petits coups en douce ? Et puis bon sang, impossible de ne pas avoir de préjugés en voyant sa dégaine de junkie. On ne s’attend qu’à une seule chose, tout en l’appréhendant à mort : que sa thérapie ne marche plus. Et ce jour-là, on gueulera aux flics qu’on le leur avait bien dit.
D’autant que le meurtrier semble vraiment taré. Le vrai genre de taré que l’on peut s’imaginer lorsqu’on vient de se faire l’intégrale d’Esprits Criminels ou dès qu’on traîne un peu sur les pages Wikipédia de serials killers célèbres. Une menace énorme d’un côté, un suspense quant aux intentions de Fillmore Press/Madder Red, et puis un super héros inutile. Il y a un justicier dans cette histoire, The First, qu’on ne croise brièvement que trois fois dans l’album, avec un manque de charisme sous jacent. Enfin, pas forcément de charisme, mais juste de présence. J’ai trouvé le personnage, ou plutôt son manque hyper intéressant par bien des aspects. Principalement parce qu’on ne le croise que trois fois, qu’il ne donne jamais l’impression de maîtriser la situation et qu’on ne voit jamais son visage, protégé par un casque à la Daft Punk qui nous enlève toute empathie. L’impression que ça rend, c’est que le Bien n’est pas présent, que le Bien ne sert à rien, comme vous voulez. Fillmore nous emplit de doutes et est un ancien meurtrier psychopathe, pourtant il reste la seule option pour peut-être stopper un tueur en série. Le Mal par le Mal, il n’y a que ça à Bedlam.
D’autant que le meurtrier semble vraiment taré. Le vrai genre de taré que l’on peut s’imaginer lorsqu’on vient de se faire l’intégrale d’Esprits Criminels ou dès qu’on traîne un peu sur les pages Wikipédia de serials killers célèbres. Une menace énorme d’un côté, un suspense quant aux intentions de Fillmore Press/Madder Red, et puis un super héros inutile. Il y a un justicier dans cette histoire, The First, qu’on ne croise brièvement que trois fois dans l’album, avec un manque de charisme sous jacent. Enfin, pas forcément de charisme, mais juste de présence. J’ai trouvé le personnage, ou plutôt son manque hyper intéressant par bien des aspects. Principalement parce qu’on ne le croise que trois fois, qu’il ne donne jamais l’impression de maîtriser la situation et qu’on ne voit jamais son visage, protégé par un casque à la Daft Punk qui nous enlève toute empathie. L’impression que ça rend, c’est que le Bien n’est pas présent, que le Bien ne sert à rien, comme vous voulez. Fillmore nous emplit de doutes et est un ancien meurtrier psychopathe, pourtant il reste la seule option pour peut-être stopper un tueur en série. Le Mal par le Mal, il n’y a que ça à Bedlam.
Et franchement, pour porter un scénario aussi bien foutu que ça, il aurait été dommage qu’ils collent un illustrateur sans ambition au dessin. Et c’est fichtrement réussi, le dessin est au moins aussi dérangeant et étrangement addictif que l’histoire elle-même. Le trait est acéré, violent, saccadé, nerveux, c’est dégueu et c’est beau. Je ne déconnais pas quand je disais que Fillmore sans son masque a une tête de junkie dérivant entre deux squats. Les personnages sont maladifs à souhait. Mention spéciale aux infirmières zombifiées du médecin maboul. Et les couleurs ont une place de choix aussi, alternant entre les couleurs poubelles tirant sur le beige/jaune/caca d’oie du présent et les nuances de gris du passé, sublimées par des touches de rouge éclatant. Là, aussi, c’est un procédé connu, finalement : on s’en souvient pour Sin City de Frank Miller, mais le fait que ce soit le passé relaté de cette façon m’a surtout fait penser à The Killing Joke d’Alan Moore et Brian Bolland. Non, ce n’est pas nouveau. Mais putain, ce que c’est efficace. Alors rajoutons à ça le sens du détail, comme les reflets de visages dans les yeux de Madder Red, ce genre de chose. Ils sont tellement pensés, ce dessin, ces couleurs, ces mouvements. Je le redis, il ne fallait que cela pour faire d’une bonne idée scénaristique une œuvre inoubliable du comic underground.
Bref, que vous soyez un fan de comics ou un mordu du noir, pour peu que les affaires pépouses des polars à Mamie, vierges de tout serial killer ou d’enfants morts vous ennuient, Bedlam vous retournera bien comme il faut. Ma seule angoisse est que le deuxième tome éclate de plus belle et me rende accro, car autant le préciser tout de suite, il n’y aura que deux tomes. Mais là où il y a de la gêne, il n’y a pas d’orgasme. Plongez-vous là-dedans, aimez, faites découvrir. Peu importe si la série n’obtiendra pas la même aura publique que Batman ou Avengers. Nous, on saura ce qu’on n’a pas loupé. Et on en sera fiers.
Bedlam T1, Spencer/Rossmo/Irving. Les Humanoïdes Associés Comics, août 2015. 192 p, 14,99 €
Sur le site de l’éditeur
Bref, que vous soyez un fan de comics ou un mordu du noir, pour peu que les affaires pépouses des polars à Mamie, vierges de tout serial killer ou d’enfants morts vous ennuient, Bedlam vous retournera bien comme il faut. Ma seule angoisse est que le deuxième tome éclate de plus belle et me rende accro, car autant le préciser tout de suite, il n’y aura que deux tomes. Mais là où il y a de la gêne, il n’y a pas d’orgasme. Plongez-vous là-dedans, aimez, faites découvrir. Peu importe si la série n’obtiendra pas la même aura publique que Batman ou Avengers. Nous, on saura ce qu’on n’a pas loupé. Et on en sera fiers.
Bedlam T1, Spencer/Rossmo/Irving. Les Humanoïdes Associés Comics, août 2015. 192 p, 14,99 €
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