C’est drôle, j’ai l’impression de n’avoir lu que des BD sur des histoires alternatives de super-héros, cette année. À la Watchmen, vous voyez ? Du genre faites pour déconstruire minutieusement le mythe du surhomme, ou l’éclater violemment à coups de pied-de-biche, c’est selon. Enfin, je n’ai pas lu que ça, bien sûr. Disons-le autrement. Cette année, j’ai l’impression de n’avoir été vraiment marqué que par des BD traitant différemment de super-héros. Il faut dire que le moment était propice. On entend partout les critiques de cinéma et d’autres arts dire qu’on assiste à la fin du mythe du super-héros. Depuis Kick-Ass jusqu’à la belle bouse qu’est Batman V Superman, en passant par Deadpool et Civil War dernièrement, les héros on été remis en question, leur droiture, leurs dommages collatéraux. Le public désillusionné semble réclamer ça, et quel formidable moment pour l’édition, l’occasion rêvée de republier des séries comme The Boys ou Top 10. Et je dois avouer que j’adore ça. Quand ça change du lycra américano-puritain fadasse. C’est vrai, quoi, ils ont l’air sacrément cons. Enfin bref, j’avais l’impression d’avoir fait le tour de la question quand une perle de plus s’est présentée. C.O.W.L., vous connaissez ? Laissez-moi vous en toucher quelques mots réjouis.
Nous voilà donc à Chicago, au début des années 1960. Depuis la fin de la seconde Guerre mondiale, la ville est protégée par une organisation privée en contrat avec la mairie, la Ligue, dont les agents sont des super-héros au quotidien assez similaire à celui des flics, les combats avec les super vilains en plus. Sauf que la Ligue vient de tuer le dernier super vilain encore vivant. Aux yeux de la ville, la Ligue n’a plus de raison d’être, son contrat ne sera pas renouvelé et elle sera vouée à la dissolution. Une grève est entamée, les agents ne participant pas au piquet sont sévèrement stigmatisés. Certains héros sans travail deviennent des vengeurs illégaux suite à la tentative de meurtre sur l’un des leurs. Les débordements sont monnaie courante. Et dans tout ce bordel ambiant, un détective de la Ligue nommé John Pierce tombe sur des squelettes très embarrassants dans les placards de son organisation, notamment des archives disparues et des sacrés points d’ombre suite à l’élimination du dernier super vilain. Faire du ménage en interne dans une Ligue mourante, voilà le point de départ d’une sordide histoire qui n’est pas prête de bien finir.
Si j’ai cru faire le tour de la BD de super-héros alternative, pourquoi diantre vous parlé-je de C.O.W.L. aujourd’hui ? The Boys est une excellente série tout en décalage et en humour noir, Bedlam était centré autour d’un antagoniste psychopathe, chacune avait sa spécificité. Pour C.O.W.L., c’est l’inspiration évidente et bienvenue du roman noir moderne, le genre d’histoire qui transpire le Ellroy par tous les orifices. L’esthétique y joue un grand rôle, évidemment, entre la mode et les nombreuses références à la pop culture qu’on y croise. Mais c’est avant tout pour son ambiance. En plein chaos dû à une grève massive, les personnages se retrouvent jetés face à la corruption et les manipulations de leur propre organisation – ou de leurs collègues, les doutes subsistent. La morale est dangereuse, et la droiture ne mène qu’au désastre. Tous pourris et tant pis pour ceux qui ne le sont pas. Que les personnages soient des super-héros ou pas n’a pas d’importance, ça ne changera rien au fait que l’histoire est une enquête dans les eaux troubles des convictions pour lesquelles ils se battaient. Ça n’empêche qu’ils le font en imperméable sous la pluie, et ça en jette.
Si j’ai cru faire le tour de la BD de super-héros alternative, pourquoi diantre vous parlé-je de C.O.W.L. aujourd’hui ? The Boys est une excellente série tout en décalage et en humour noir, Bedlam était centré autour d’un antagoniste psychopathe, chacune avait sa spécificité. Pour C.O.W.L., c’est l’inspiration évidente et bienvenue du roman noir moderne, le genre d’histoire qui transpire le Ellroy par tous les orifices. L’esthétique y joue un grand rôle, évidemment, entre la mode et les nombreuses références à la pop culture qu’on y croise. Mais c’est avant tout pour son ambiance. En plein chaos dû à une grève massive, les personnages se retrouvent jetés face à la corruption et les manipulations de leur propre organisation – ou de leurs collègues, les doutes subsistent. La morale est dangereuse, et la droiture ne mène qu’au désastre. Tous pourris et tant pis pour ceux qui ne le sont pas. Que les personnages soient des super-héros ou pas n’a pas d’importance, ça ne changera rien au fait que l’histoire est une enquête dans les eaux troubles des convictions pour lesquelles ils se battaient. Ça n’empêche qu’ils le font en imperméable sous la pluie, et ça en jette.
Le scénario est déjà magique en soi, mais je veux attirer votre attention sur le dessin. Franchement, que celui qui ne reconnaitra pas le talent du trait et de la couleur soit fessé par mille malabars à la file indienne. Le travail graphique est absolument remarquable en parfaite adéquation avec le récit. C’est con à dire, mais c’est une nécessité dont certains ne s’embarrassent pas toujours. Lisse et tiède ou sale et menaçant, l’émotion passe par le dessin qui en plus, est riche en trouvailles. Un exemple ? Un personnage capable de manipuler les ondes sonores qui attrape une lettre d’une bulle pour en frapper une autre, puis saute par la fenêtre et retombe en douceur sur les cris d’un otage qui amortissent sa chute. Et puis… c’est juste terrible, quoi. Votre opinion sera faite en quelques secondes.
Savant mélange entre roman noir, super-héros désincarnés et esthétisme ravageur, C.O.W.L. a beau faire partie d’un genre souvent lu et relu, il reste rafraichissant comme pas deux et fichtrement plaisant à lire. Et à destination de tous, finalement, lecteurs de thrillers politiques comme fans d’action en cape et vision laser, amateurs de bande-dessinée débutants ou confirmés. C’est beau et ça parle. C’est ça qui est bien avec les excellents livres : ils se mettent dans toutes les mains. Alors que dire de plus ? Longue vie aux super-héros, les vrais, qui puent la luxure ou la noirceur, et qui nous rappellent que les plus vertueux d’entre nous ne sont pas forcément ceux qui portent le slip par-dessus le pantalon. Rien que ce détail, ça met quand même la puce à l’oreille, putain.
C.O.W.L., Kyle Higgins, Alec Siegel & Rod Reis. Urban Comics, mars 2016. 272p, 22,50 €.
Sur le site de l’éditeur
Savant mélange entre roman noir, super-héros désincarnés et esthétisme ravageur, C.O.W.L. a beau faire partie d’un genre souvent lu et relu, il reste rafraichissant comme pas deux et fichtrement plaisant à lire. Et à destination de tous, finalement, lecteurs de thrillers politiques comme fans d’action en cape et vision laser, amateurs de bande-dessinée débutants ou confirmés. C’est beau et ça parle. C’est ça qui est bien avec les excellents livres : ils se mettent dans toutes les mains. Alors que dire de plus ? Longue vie aux super-héros, les vrais, qui puent la luxure ou la noirceur, et qui nous rappellent que les plus vertueux d’entre nous ne sont pas forcément ceux qui portent le slip par-dessus le pantalon. Rien que ce détail, ça met quand même la puce à l’oreille, putain.
C.O.W.L., Kyle Higgins, Alec Siegel & Rod Reis. Urban Comics, mars 2016. 272p, 22,50 €.
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