Comme vous devez vous en douter, Les Chemins de Compostelle n’est pas le nouveau thriller de Jean van Hamme ni le nouveau tirage limité d’un Druillet, mais bel et bien la meilleure bande-dessinée humoristique de la fin de l’année dernière. Malgré elle, du moins. Mais je le pense, et ne peux que vous renvoyer à la présentation de la rubrique S-M pour justifier de mon choix. Pour la faire courte et m’adresser aux brebis égarées qui n’ont pas le courage de lire le nombre de lignes qui la composent (nous sommes donc en droit de nous demander par quel hasard sont-ils tombés sur ce blog de critiques, ce ne serait quand même pas la faute des mots-clés relatifs à cette rubrique BD/SM ? Soyons sérieux, nous parlons ici de religion), disons simplement que cette bande-dessinée doit absolument être lue par tout amateur de second degré qui se respecte mais attention, un conseil entre nous : ne l’achetez pas, arrangez-vous pour qu’on vous l’offre. L’humour a les limites que le porte-monnaie lui connait.
Par où puis-je commencer ? La lecture de ce premier tome des Chemins de Compostelle (premier d’une série qui en comptera sept, je n’ai pas fini d’aimer mon métier) m’a si prodigieusement explosé les barrières mentales de ma raison que je suis encore tout embrouillé. J’aurais dû m’en douter et pour ne rien vous cacher, je m’en doutais déjà en voyant la splendide couverture « Église, Sac à dos et Chemin de Campagne » pleine de promesses évangelico-spirituelles. Mais je dois vous avertir que rien, absolument RIEN ne m’avait préparé à ce que j’ai lu. Le parfait exemple réside dans le personnage fascinant de Blanche qui, sous ses airs de Martine un brin candide mais tellement plus con-con que cela, est la véritable clé de voûte, si je puis dire, de l’absurdité bienvenue de ce premier tome.
Par où puis-je commencer ? La lecture de ce premier tome des Chemins de Compostelle (premier d’une série qui en comptera sept, je n’ai pas fini d’aimer mon métier) m’a si prodigieusement explosé les barrières mentales de ma raison que je suis encore tout embrouillé. J’aurais dû m’en douter et pour ne rien vous cacher, je m’en doutais déjà en voyant la splendide couverture « Église, Sac à dos et Chemin de Campagne » pleine de promesses évangelico-spirituelles. Mais je dois vous avertir que rien, absolument RIEN ne m’avait préparé à ce que j’ai lu. Le parfait exemple réside dans le personnage fascinant de Blanche qui, sous ses airs de Martine un brin candide mais tellement plus con-con que cela, est la véritable clé de voûte, si je puis dire, de l’absurdité bienvenue de ce premier tome.
Attention, premier mindfuck de votre lecture de Servais. Martine (pardon, Blanche) se moque bien de la religion, elle veut rejoindre Compostelle parce que s’y trouve le secret de la pierre philosophale. Elle le sait depuis toute petite et en a la preuve : de minuscules pépites d’or envoyées par la poste par son grand-père retrouvé mort complètement nu sur une plage Galicienne. Oui. Enfin, je brûle des étapes. Il convient d’expliquer que cette passion de Marti…Blanche pour l’alchimie lui vient justement de son grand-père, alchimiste de son état et brasseur de bière bénite artisanale. Là, cela devient plus clair. Elle partira seule de Belgique, mais d’autres personnages qu’elle croisera dans les futurs tomes se mettent également en route, parmi eux Céline, future nonne au Mont Saint-Michel éprouvant l’envie subite de tester ses sandales et son bâton de berger, seul élément logique de l’œuvre, ainsi qu’Alexandre, guide de haute montagne qui n’a rien pu faire pour sauver Margaux, qu’il semblait plutôt bien connaître puisqu’il décide naturellement de faire son deuil en suivant les coquilles Saint-Jacques.
Maintenant que le postulat est avancé, laissez-moi vous dire que le véritable intérêt de cet album réside dans sa faculté de vous apprendre bon nombre de choses en matière d’histoire, de religion, et j’en passe. Premièrement : les alchimistes ont crée l’Almanach Vermot. Cela peut surprendre, mais quand l’on vous annonce que le mot « Mort » ne veut certainement pas dire « fin de vie » mais que « littéralement, cela veut dire aimer (M) l’or (OR) de la terre (T). La mort est un processus de régénération où le soleil (l’or) de la nuit prépare sa renaissance », cela fait froid dans le dos. Mais est-ce une blague passagère ? A ce stade du récit, vous saurez pertinemment que ce n’est pas du tout le cas, puisque cela nécessite de s’être farci toute une moitié et en particulier la première scène entre Blanche et papounet dont voici deux extraits choisis.
« - Maintenant, on va décomposer la matière première. Elle deviendra noire. Ce sera le premier œuvre, « L’œuvre au noir », le corbeau. Tu te rappelles pourquoi on utilise le symbole du corbeau ?
- Parce que, quand on décompose la matière, on la volatilise, et quand elle se volatilise, elle devient noire comme le corbeau qui est un volatile noir !
- Parfait, Blanche ! »
Aoutch. Pour un premier contact, c’est un peu rude. Mais qu’importe, poursuivons.
« - La matière va se purifier. On trouvera dedans plein de petits cristaux. On va les réassembler, ils deviendront alors blancs. C’est le deuxième œuvre, « l’œuvre au blanc », que l’on appelle aussi la licorne – lié par la corne – par le milieu du front. La licorne est le symbole de la pureté.
- C’est parce que je m’appelle Blanche que tu m’appelles petite licorne, mon papounet ?
- Tu as tout compris ! C’est moi qui avais soufflé ton prénom à ta maman avant ta naissance. Elle l’avait trouvé joli, mais elle ne savait pas tout : tu t’appelles Blanche car tu as pour mission de blanchir quelque chose dans la famille, c'est-à-dire de mettre en lumière un secret lié à tes ancêtres… »
Le bruit que vous venez d’entendre, c’est celui de l’explosion caractéristique de l'aire de Wernicke, la zone de votre cerveau responsable de la compréhension. Les tissus un peu trop mous ont tendance à produire un plop mais la violence de certains chocs extrêmes peut effectivement entraîner un splarf. Relativisons, à quoi vous servirait-elle plus longtemps, de toute façon ? Vous venez de pénétrer dans le monde terrible et outrancièrement poignant des Chemins de Compostelle. Cette démonstration de jeu de mot…laid (jeu de mollet… pèlerinage… non ?) est le résultat de recherches de Servais à propos de ce que l’on appelle « la langue des oiseaux », technique utilisée par des alchimistes aussi célèbres que Fulcanelli pour crypter la langue, sur un jeu un peu à la manière du goat split cockney. Je veux bien. Mais « licorne = lié par le front », sérieusement ? Je regrette presque ces temps bénis ou la consommation excessive de drogue n’était qu’un libre traitement médicamenteux, socialement répandu chez les alchimistes en souffrance, visiblement.
« - Maintenant, on va décomposer la matière première. Elle deviendra noire. Ce sera le premier œuvre, « L’œuvre au noir », le corbeau. Tu te rappelles pourquoi on utilise le symbole du corbeau ?
- Parce que, quand on décompose la matière, on la volatilise, et quand elle se volatilise, elle devient noire comme le corbeau qui est un volatile noir !
- Parfait, Blanche ! »
Aoutch. Pour un premier contact, c’est un peu rude. Mais qu’importe, poursuivons.
« - La matière va se purifier. On trouvera dedans plein de petits cristaux. On va les réassembler, ils deviendront alors blancs. C’est le deuxième œuvre, « l’œuvre au blanc », que l’on appelle aussi la licorne – lié par la corne – par le milieu du front. La licorne est le symbole de la pureté.
- C’est parce que je m’appelle Blanche que tu m’appelles petite licorne, mon papounet ?
- Tu as tout compris ! C’est moi qui avais soufflé ton prénom à ta maman avant ta naissance. Elle l’avait trouvé joli, mais elle ne savait pas tout : tu t’appelles Blanche car tu as pour mission de blanchir quelque chose dans la famille, c'est-à-dire de mettre en lumière un secret lié à tes ancêtres… »
Le bruit que vous venez d’entendre, c’est celui de l’explosion caractéristique de l'aire de Wernicke, la zone de votre cerveau responsable de la compréhension. Les tissus un peu trop mous ont tendance à produire un plop mais la violence de certains chocs extrêmes peut effectivement entraîner un splarf. Relativisons, à quoi vous servirait-elle plus longtemps, de toute façon ? Vous venez de pénétrer dans le monde terrible et outrancièrement poignant des Chemins de Compostelle. Cette démonstration de jeu de mot…laid (jeu de mollet… pèlerinage… non ?) est le résultat de recherches de Servais à propos de ce que l’on appelle « la langue des oiseaux », technique utilisée par des alchimistes aussi célèbres que Fulcanelli pour crypter la langue, sur un jeu un peu à la manière du goat split cockney. Je veux bien. Mais « licorne = lié par le front », sérieusement ? Je regrette presque ces temps bénis ou la consommation excessive de drogue n’était qu’un libre traitement médicamenteux, socialement répandu chez les alchimistes en souffrance, visiblement.
Langue secrète et occultisme, viendrions-nous de mettre la main sur nos nouveaux francs-maçons de bas étage qui, alléluia, rythmeront nos futures sorties cinématographiques et littéraires, nous, pauvres fans en manque du nouveau Dan Brown et ses ersatz ? Par la grâce de Dieu, et comment ! Leur complot est si abouti depuis des siècles que ce furent les architectes de Bruxelles, profitant de l'occasion pour y faire proliférer noms de rues et statues à la symbolique mystique hasardeuse. Boudiou, partir de l'observation de quatre statues de femmes pour en arriver à cette remarque de papy : « Travail de femmes et jeux d'enfants, splendeur du soleil ! Les femmes et les enfants sont proches de la nature. L'alchimie est un travail et un jeu avec la nature. On a trouvé le sel caché à l'intérieur de l'eau qui nous donne le feu du soleil et le secret de la nature », ils ne devaient pas que se soigner avec, ces alchimistes. Rassurez-vous, cependant. Ce que cette bande dessinée s'attache à nous apprendre depuis le début, c'est qu'au contraire de leurs amis les francs-maçons qui dirigent le système politique et financier du monde entier, les alchimistes sont tout à fait inoffensifs car trop, beaucoup trop cucul pour être dangereux. Entre Blanche qui s'extasie de toutes ses dents en imaginant le cheval qu'elle croise porter une corne sur le front (rappelons que notre amie est âgée de plus de vingt ans à présent, mais cela ne veut rien dire, elle est également capable de chanter « En passant par la Lorraine avec mes sabots » comme tous les d’jeuns de sa génération dans le vent), les regards complices horriblement gênants entre papy et Blanche quand ils prononcent le mot « alchimie » en public, et leur blague digne de Romero qui consiste à se truffer le visage de bonbons colorés pour effrayer les bruxellois visiblement... bien trop émotifs, tout est là pour vous prouver qu'en cas de guerre mondiale, il ne vaut mieux pas se trouver sous les ordres d'un lieutenant persuadé qu'il changera le plomb en or (Oh, flûte ! Où est mon fusil ?).
Bon. On est en droit de se poser des questions à la lecture de tout cela. Servais est-il réellement intéressé par la religion, ou ce second degré est-il volontaire, son véritable intérêt étant le dessin de paysages français et bruxellois ? Car s’il y a bien une chose que l’on ne peut retirer à l’auteur, c’est cela. Autant ses personnages semblent mourir dans d’atroces souffrances sur la plupart des cases, autant quelques illustrateurs devraient envier le trait architectural de Servais. Poussons plus loin cette interrogation, cette bande dessinée veut-elle réellement promouvoir la spiritualité par le pèlerinage ? Ce n’est pas nécessaire de faire croire qu’au bout du chemin se trouve l’ultime secret des alchimistes, ça ne prend pas, et les athées ou agnostiques lecteurs de BD ne tenteront pas les 1500 km pour une ruée vers l’or basée sur les dires de personnages aussi terrifiants de candeur. Ensuite, cette bande dessinée a-t-elle un véritable public ? De toute ma bonne foi, je serais tenté de dire que le seul public qui s'y retrouverait serait le lectorat historique de l'auteur lui-même, d'autant que Les Chemins de Compostelle est pour moitié basé sur de l'auto-citation. En effet, la jeune Blanche tombe sur un album de Servais publié quelques dizaines d'années plus tôt, et les lieux emblématiques de cet ancien album constituent les lieux de passage de Blanche qui souhaite suivre les traces de l’héroïne. Le personnage principal, pas la drogue. Toutes ces planches auto-citées restent alors dans cette lignée de kitsch absolu dont la BD profite depuis le début, et je persiste et signe : Les Chemins de Compostelle est une mine d'or pour tous les lecteurs au recul immense ! Un nanar chrétien qui ne l'est même pas, puisque Blanche et sa troupe nous enseignent qu'il n’est pas nécessaire d'être des veaux pour crapahuter jusqu’en Galice. J'ai dit des veaux ? Flûte, la langue des oiseaux m'a complètement cramoisi Wernicke. Je voulais dire dévots.
En conclusion, je ne peux que citer l'auteur lui même, à la page 69 : "Y croit qui veut !" Personnellement, à voir le sous-titre du tome 2 : L’Ankou, le diable et la novice, je ne demande qu'à croire que Winshluss sera au scénario.
Les Chemins de Compostelle Tome 1 : La Petite Licorne, Servais. Dupuis, octobre 2014. 80 p. 16,50 €
Sur le site de l'éditeur
Bon. On est en droit de se poser des questions à la lecture de tout cela. Servais est-il réellement intéressé par la religion, ou ce second degré est-il volontaire, son véritable intérêt étant le dessin de paysages français et bruxellois ? Car s’il y a bien une chose que l’on ne peut retirer à l’auteur, c’est cela. Autant ses personnages semblent mourir dans d’atroces souffrances sur la plupart des cases, autant quelques illustrateurs devraient envier le trait architectural de Servais. Poussons plus loin cette interrogation, cette bande dessinée veut-elle réellement promouvoir la spiritualité par le pèlerinage ? Ce n’est pas nécessaire de faire croire qu’au bout du chemin se trouve l’ultime secret des alchimistes, ça ne prend pas, et les athées ou agnostiques lecteurs de BD ne tenteront pas les 1500 km pour une ruée vers l’or basée sur les dires de personnages aussi terrifiants de candeur. Ensuite, cette bande dessinée a-t-elle un véritable public ? De toute ma bonne foi, je serais tenté de dire que le seul public qui s'y retrouverait serait le lectorat historique de l'auteur lui-même, d'autant que Les Chemins de Compostelle est pour moitié basé sur de l'auto-citation. En effet, la jeune Blanche tombe sur un album de Servais publié quelques dizaines d'années plus tôt, et les lieux emblématiques de cet ancien album constituent les lieux de passage de Blanche qui souhaite suivre les traces de l’héroïne. Le personnage principal, pas la drogue. Toutes ces planches auto-citées restent alors dans cette lignée de kitsch absolu dont la BD profite depuis le début, et je persiste et signe : Les Chemins de Compostelle est une mine d'or pour tous les lecteurs au recul immense ! Un nanar chrétien qui ne l'est même pas, puisque Blanche et sa troupe nous enseignent qu'il n’est pas nécessaire d'être des veaux pour crapahuter jusqu’en Galice. J'ai dit des veaux ? Flûte, la langue des oiseaux m'a complètement cramoisi Wernicke. Je voulais dire dévots.
En conclusion, je ne peux que citer l'auteur lui même, à la page 69 : "Y croit qui veut !" Personnellement, à voir le sous-titre du tome 2 : L’Ankou, le diable et la novice, je ne demande qu'à croire que Winshluss sera au scénario.
Les Chemins de Compostelle Tome 1 : La Petite Licorne, Servais. Dupuis, octobre 2014. 80 p. 16,50 €
Sur le site de l'éditeur