On a beau dire, on a beau déblatérer tous les arguments qu’on veut pour justifier que le livre numérique, c’est de la merde et que les « gens intelligents » vont bientôt s’en lasser, il y a quand même une réflexion que je me fais assez fréquemment. Si on lit des livres pour lire du texte, autant faire semblant de s’être intéressé aux polycopiés dégueulasses qu’on nous a servis en cours de littérature. Mais l’expérience de lecture, l’immersion, qu’est-ce qu’on en fait ? L’argument ultime pour convaincre les sceptiques, je pense que c’est le premier tome de Northlanders qui l’incarne. Quand on lit des histoires de batailles vikings à l’épée bien large et à la masse d’arme épaisse, c’est particulier de tenir à la main un album de près de deux kilos. Non seulement on se met à la place d’un guerrier ou d’un enfant qui peine à tenir l’épée de son père, mais on a surtout l’impression qu’un coup de reliure dans la tempe pourrait tuer instantanément les quelques connards extrémistes qui traîneraient encore. Intéressant, comme sensation.
Comment résumer Northlanders ? Imaginez une fresque épique couvrant près de trois siècles du règne viking sur le nord du continent européen. Imaginez les batailles, les croyances, l'honneur, la terre et le sang, imaginez l'adrénaline qui donne à la bouche le goût de la lame de l'épée transmise de génération en génération. La lutte, la conquête. La force. En bref, la suprématie d'un peuple glorieux et visionnaire, source de bon nombre de fantasmes, adaptée par un nouveau monstre du scénario de comics. Brian Wood est un nom à repérer sur les dos des albums exposés en librairie. Parce que DMZ est déjà suffisamment badass pour qu'on retienne son nom, mais attendez de lire une saga d'armoires à glace barbues qui se trucident la tronche à amples coups d'Ulfberht, et vous reconsidérerez votre conception de la série qui poutre. Comme je le disais, les vikings nourrissent toujours beaucoup de fantasmes, probable que la série semble si épique parce qu'elle chante leur tumultueuse histoire.
Comment résumer Northlanders ? Imaginez une fresque épique couvrant près de trois siècles du règne viking sur le nord du continent européen. Imaginez les batailles, les croyances, l'honneur, la terre et le sang, imaginez l'adrénaline qui donne à la bouche le goût de la lame de l'épée transmise de génération en génération. La lutte, la conquête. La force. En bref, la suprématie d'un peuple glorieux et visionnaire, source de bon nombre de fantasmes, adaptée par un nouveau monstre du scénario de comics. Brian Wood est un nom à repérer sur les dos des albums exposés en librairie. Parce que DMZ est déjà suffisamment badass pour qu'on retienne son nom, mais attendez de lire une saga d'armoires à glace barbues qui se trucident la tronche à amples coups d'Ulfberht, et vous reconsidérerez votre conception de la série qui poutre. Comme je le disais, les vikings nourrissent toujours beaucoup de fantasmes, probable que la série semble si épique parce qu'elle chante leur tumultueuse histoire.
Je dois dire que le travail éditorial d'Urban m'a paru étrange au premier abord. Northlanders est une série "anthologique", au sens où elle est composée de plusieurs histoires complètement indépendantes, allant du simple chapitre mensuel à l'histoire de près de 150 pages, à des époques et des lieux différents, portée par des dessinateurs différents. Je ne sais pas quelle impression cela donnait, et je les relirai dans l’ordre pour faire mon idée, mais Urban n'a pas voulu faire comme ça. La série est scindée en trois intégrales, regroupant par ordre chronologique les différentes histoires se déroulant dans une même partie du monde. L'Angleterre, l'Islande et l'Europe. Du même coup, on ne se trouve pas seulement plongé dans l’histoire intense de ce peuple, on découvre, dans l’ordre, leur histoire sur telle ou telle terre. Et c’est quand même beaucoup plus immersif à mon sens que de se trouver éparpillé à toutes les époques, à tous les endroits, peu importe, en étant simplement prié d’accrocher au personnage principal de l’histoire. C’est peut-être ce travail d’Urban qui donne une dimension historique à Northlanders, et qui lui fait transcender sa condition de simple série qui arrache.
Côté scénario, si tout ne semble pas toujours égal, les histoires les moins prenantes sont toujours les plus courtes. L’équilibre est là, on y trouve son compte. Ce qu’il faut véritablement noter, c’est le travail de dingue de Brian Wood pour nous immerger totalement dans ses récits, en changeant toujours de point de vue. Les vikings sont, d’une histoire à l’autre, tantôt les héros, tantôt les méchants ; on passe de victimes humiliées à bourreaux sanguinaires en très peu de temps et ça nous convient totalement. Les personnages sont toujours incroyables de complexité, c’est pour ça qu’on accroche autant. L’idiot du village tueur de chrétiens, le mercenaire peinant à assiéger Paris, la veuve protégeant sa fille de la peste, le varègue venu laver son honneur, on voudrait être tour à tour l’un ou l’autre, tellement leur histoire nous touche et leur combativité nous impressionne. Mention spéciale aux histoires les plus longues qui restent gravées dans nos mémoires, comme celles de Sven le Revenant, des histoires complexes que l’on regrette presque, une fois finies pour embrayer sur un autre récit. Tout est là, on y trouve absolument tout ce qu’il faut, de la psychologie des personnages aux croyances omniprésentes, les complots, les batailles, la bravoure défiant la félonie. Bordel, ce que ça envoie. Surtout que les dessinateurs semblent avoir été choisis un a un pour leurs styles, tous forts et particuliers, mais en parfaite harmonie avec l’histoire attribuée. Quand c’est noir, c’est noir. Quand c’est poétique, c’est pastel. Quand c’est dynamique, c’est sacrément ciselé. J’ai du mal à faire un résumé de 14 histoires toutes différentes mais foisonnantes au possible. Le mieux que je puisse dire, c’est qu’il faut le lire. Il faut lire Northlanders.
J’ai beau me perdre dans mes mots, ne pas totalement faire honneur à ce cas d’école de maîtrise scénaristique : il faut découvrir ça. Ne serait-ce que pour enfin voir des femmes fortes et un minimum émancipées très tôt dans l’Histoire. Ne serait-ce que pour faire comprendre aux hipsters que porter une barbe d’un mètre et des boucles d’oreilles n’a jamais épargné personne, et par plaisir de lire une épopée de victoire et de fierté qui fait du bien. Alors on lève tous son verre de mjodr et on prie Idunn que la vie qui nous ait été accordée continue d’être pleine de joies au quotidien. Ragnarök peut attendre. Quand il finira par arriver, on se tiendra tous unis sur Vígríd, le mur de boucliers imprenable et l’épée à la main. Et on hurlera en chœur.
Northlanders, Brian Wood. Urban Comics, mars 2014. 480 p, 28 €
Sur le site de l’éditeur
J’ai beau me perdre dans mes mots, ne pas totalement faire honneur à ce cas d’école de maîtrise scénaristique : il faut découvrir ça. Ne serait-ce que pour enfin voir des femmes fortes et un minimum émancipées très tôt dans l’Histoire. Ne serait-ce que pour faire comprendre aux hipsters que porter une barbe d’un mètre et des boucles d’oreilles n’a jamais épargné personne, et par plaisir de lire une épopée de victoire et de fierté qui fait du bien. Alors on lève tous son verre de mjodr et on prie Idunn que la vie qui nous ait été accordée continue d’être pleine de joies au quotidien. Ragnarök peut attendre. Quand il finira par arriver, on se tiendra tous unis sur Vígríd, le mur de boucliers imprenable et l’épée à la main. Et on hurlera en chœur.
Northlanders, Brian Wood. Urban Comics, mars 2014. 480 p, 28 €
Sur le site de l’éditeur