Revenons un peu à nos fondamentaux. La semaine dernière, j'avais parlé de ce qui se terrait dans l'Histoire des États-Unis, l'énorme seau de merde qui entache assez souvent la bannière étoilée. Parmi tout ça, ce qui revient le plus fréquemment du fait de son côté bien trop actuel, on trouve la haine raciale. La bonne grosse haine. Celle qui fait qu'aujourd'hui encore, une partie des caucasiens considèrent que les descendants des pauvres types arrachés à leurs familles pour faire du blé aux pays du Nord sont des sous-hommes, des genres d'animaux primitifs. Sans bien sûr, se poser la question de ce qui se serait passé si les puissants du XVIIème siècle avaient été au Sud et étaient venus faire leurs emplettes de « blankos » pour les faire bosser dans leurs mines de diamants. Mais là n'est pas le propos. Tout ça pour dire que l'un des splendides morceaux d'Histoire américaine concerne la ségrégation des années 50-60, matière fascinante pour les auteurs de roman noirs aimant bien rappeler que nous étions sacrément cons par le passé, et que nous le sommes encore très probablement.
J'avais envie de parler d'une bande dessinée qui, une fois de plus, puise sa force dans du roman noir tout ce qu'il y a de classique et qui prend aux tripes. Old Pa Anderson, le nouvel album d’Hermann, fraîchement récompensé par le Grand Prix d’Angoulême pour son travail incroyable depuis un sacré nombre d'années. Côté histoire, rien de plus simple. Rien de plus efficace non plus. Old Pa Anderson est un vieux Noir qui a subi toute sa vie la haine et la violence des blancs. Comme tous les autres, quoi. Il traîne surtout derrière lui le deuil jamais vraiment fait du meurtre de sa petite-fille, qui l'a changé pour toujours en un homme taciturne et renfermé. Ce sont des Blancs, il en est certain, et alors ? Personne ne les attrapera pour la simple raison que personne ne les cherchera. Mais sa femme vient de mourir, de vieillesse et surtout de chagrin. S'il fait les comptes, Old Pa s'aperçoit qu'il n'a plus rien à perdre. Il récolte les infos, les suit. Rien ne l'arrêtera.
Comme je le disais, c'est simple. Et ça a beau être déjà exploité, il y a une simplicité incroyable dans l’enchaînement des évènements. Une lenteur mélancolique au début, une lenteur qu’on peut aussi bien associer à la vieillesse qu’à la résignation – les deux à la fois ? – avant d’enchaîner à un train d’enfer sur la vengeance d’Old Pa. Niveau scénario, c’est aussi percutant qu’un coup de batte. D’autant qu’on ne va pas se le cacher, le vieil homme qui cherche à renvoyer les torts qu’on lui a causés… On a beau être aussi badass qu’Earl Tubb dans Southern Bastards, on sait déjà comment ça va finir. Ben oui, y’a pas à tortiller. Donc non seulement on est pris parce qu’on sait que vu sa situation, ça va devenir sacrément sale, mais aussi et surtout parce qu’on veut savoir s’il pourra, s’il aura le temps de se venger des enfoirés. Et pourquoi pas s’en sortir ?...
Comme je le disais, c'est simple. Et ça a beau être déjà exploité, il y a une simplicité incroyable dans l’enchaînement des évènements. Une lenteur mélancolique au début, une lenteur qu’on peut aussi bien associer à la vieillesse qu’à la résignation – les deux à la fois ? – avant d’enchaîner à un train d’enfer sur la vengeance d’Old Pa. Niveau scénario, c’est aussi percutant qu’un coup de batte. D’autant qu’on ne va pas se le cacher, le vieil homme qui cherche à renvoyer les torts qu’on lui a causés… On a beau être aussi badass qu’Earl Tubb dans Southern Bastards, on sait déjà comment ça va finir. Ben oui, y’a pas à tortiller. Donc non seulement on est pris parce qu’on sait que vu sa situation, ça va devenir sacrément sale, mais aussi et surtout parce qu’on veut savoir s’il pourra, s’il aura le temps de se venger des enfoirés. Et pourquoi pas s’en sortir ?...
Toutes les bases sont là pour que ça poutre. Beaucoup. Et puis, il y a Hermann. Le dessin, les couleurs, tout ce qui porte sa patte confère à cette chevauchée sauvage un côté vraiment sombre sans insister sur le noir ou les contrastes. C’est juste de la poussière, du sang, des visages de traviole, tout ce qui déclenche des mécanismes de mal-être en nous. Et si ça a un petit côté théâtral à quelques moments, peu importe. C’est l’histoire qui veut ça, on ne part pas décimer en solo tous les tueurs de sa petite-fille sans se la jouer un peu Clint Eastwood. Niveau style, Hermann est décidément aux antipodes de tout ce qu’il a pu faire par le passé. Sa capacité à changer de traits et d’évoluer avec le temps et les scenarii prouve une fois de plus qu’il mérite son Grand Prix.
Pour clore tout ça, comme si on ne se sentait pas déjà assez mal après avoir lu cette histoire terrible, Le Lombard nous offre une postface à vomir composée de témoignages de Noirs ayant vécu dans les années 1950, mis en regard avec des photographies de lynchages et de pendaisons datant de l’époque. Ça a l’air tout bête, mais l’album prend soudain un autre retentissement une fois le lien fait avec l’Histoire. Ça concentre nos émotions. L’enchaînement entre tension de la fiction et dur retour à la réalité. Et c’est complètement la juste mesure. Old Pa Anderson paraît trop court puisqu’il est bon, mais sans doute n’aurait-il pas été aussi bon s’il s’était étalé sur une centaine de pages. Bah, peu importe ce qu’il aurait pu être. Cet album est superbe, c’est tout. On n’attendait pas moins d’Hermann père et fils.
Old Pa Anderson, Hermann & Yves H. Le Lombard, janvier 2016. 64 p, 14,45 €
Sur le site de l’éditeur
Pour clore tout ça, comme si on ne se sentait pas déjà assez mal après avoir lu cette histoire terrible, Le Lombard nous offre une postface à vomir composée de témoignages de Noirs ayant vécu dans les années 1950, mis en regard avec des photographies de lynchages et de pendaisons datant de l’époque. Ça a l’air tout bête, mais l’album prend soudain un autre retentissement une fois le lien fait avec l’Histoire. Ça concentre nos émotions. L’enchaînement entre tension de la fiction et dur retour à la réalité. Et c’est complètement la juste mesure. Old Pa Anderson paraît trop court puisqu’il est bon, mais sans doute n’aurait-il pas été aussi bon s’il s’était étalé sur une centaine de pages. Bah, peu importe ce qu’il aurait pu être. Cet album est superbe, c’est tout. On n’attendait pas moins d’Hermann père et fils.
Old Pa Anderson, Hermann & Yves H. Le Lombard, janvier 2016. 64 p, 14,45 €
Sur le site de l’éditeur