Au cas où cela aurait échappé aux moins perspicaces d'entre vous, terrés dans leurs grottes d'où ils ne peuvent pas assister aux pitreries de nos politiciens et aux bons mots de Nadine Morano – quelle chance, en revanche – les élections régionales approchent. Alors si vous aussi, vous voulez exercer vos droits fondamentaux en allant voter pour empêcher que des crétins extrémistes ne gèrent votre région, la seule raison motivant les quelques français qui daigneront bouger leur cul, essayez quand même de bien choisir. Ne serait-ce que pour la santé de vos proches. Je ne dis pas que tous les candidats sont automatiquement corrompus, ni même que chaque région française est la cible d'arrangements financiers dignes de la pègre, mais bon... Ne m'en voulez pas, je viens juste de sortir du nouveau roman de Liad Shoham. Et disons que ça ne donne plus tellement envie d'aller voter.
Oranges amères, puisque c'est son titre, nous vient tout droit d'Israël, offert par le très talentueux Liad Shoham que l'on avait découvert avec Tel-Aviv suspects il y a quelques années. Dans celui-ci, nous quittons la capitale pour une ville non loin de là, Petah Tikva. Tout commence en pleine campagne pour les élections municipales, par une transaction tout ce qu'il y a de plus banale, dans un cabinet d'avocat reconnu. Un transfert d'argent entre deux entreprises, rien de plus. L'employé qui s'occupe d'acter tout ça se pose quand même quelques questions sur le maire à la vue du document et prend un risque énorme en en envoyant une copie à un journaliste d'investigation, Tamir Jarvy, réputé incorruptible et sans pitié. Après une brève confrontation avec le maire Tsouriel, Jarvy est approché par un ancien ami qui lui propose de travailler pour lui. Il est désormais directeur de campagne pour un candidat qui n'a aucune chance de gagner contre le maire actuel. Le deal est donc simple. Jarvy fouille dans les affaires de Dovy Tsouriel, et mâche ainsi le travail du candidat pour qui travaille son ami Ido. Le hic, c'est que Jarvy disparaît sans laisser de trace. Ido Dolev en est persuadé, tout cela à un rapport avec ce que déterrait son ami.
Je vais m'arrêter là dans le résumé avant de spoiler ce qui me semble être le meilleur twist de la Création, lorsque Dolev fait appel à Anat Nahmias, l'héroïne de Terminus Tel-Aviv que l'on retrouve ici, pour rechercher Tamir Jarvy. Sérieusement, c'est trop drôle. Toujours est-il que Shoham nous embarque dans un thriller de corruption à la fois hyper actuel, vachement exotique et super plaisant. Au fur et à mesure qu'entrent en scène des personnages de plus en plus pourris qui cherchent à contrôler la ville par, entre autres, le gain d'appels d'offres fictifs, on pense toujours tenir notre suspect numéro 1 au mobile parfait. Le truc, c'est que même si ceux-là même nous apprennent qu'ils n'y sont pour rien, ils trouveront toujours une raison de se taire et de faire croire qu'il s'agit d'eux. Tout le monde croit que l'autre est responsable de la disparition de Jarvy, personne n'avance et nous non plus, finalement. Tout ça pour qu'au bout de presque 350 pages sur 400, on n'ait pas l'embryon d'un poil de cul de piste, sans être baladés à outrance. Et c'est bon.
La bonne surprise par rapport aux précédents, c'est la façon dont on quitte la fourmilière de la capitale et sa violence sous-jacente pour atterrir à Petah Tikva où rien ne se passe. La disparition du journaliste fait figure d'évènement inédit là-bas. Du coup, suivre Anat, la Anat Nahmias bête de travail, débarquant ici et se faire expliquer à longueur de journée que Petah Tikva n'est pas Tel-Aviv et qu'elle n'a qu'à s'emmerder correctement dans sa future vie de bonne épouse en attendant de pouvoir récupérer le seul poste un tant soit peu intéressant de la ville, ben ça nous fait facilement ressentir sa frustration. Et on est d'autant plus dérangés d'assister à l'inaction totale des forces de l'ordre, pas forcément par manque de moyens, juste parce que "ce n’est pas la capitale, ici, ça ne sert à rien de s'emballer". Tamir Jarvy n'a pas supporté le fait que sa vie allait changer à cause de la grossesse de sa compagne, il est parti, point. Et pas besoin de poser des questions stupides à propos du maire. L'enquête menée en amateur par Ido Dolev, bien que bancale et dangereuse au regard des personnes qui vont croiser son chemin, semble la seule alternative si quelqu'un dans cette foutue ville veut bien lever le petit doigt pour aider le journaliste disparu. On espère seulement qu'il arrivera à faire tomber les masques en ce qui concerne les dirigeants corrompus de cette ville qui, encore heureux, n'est pas la capitale. Ben oui, entre ça et ce qui se passe à Tel-Aviv dans les autres romans de Shoham, ça ferait beaucoup.
Bref, précipitez-vous sur Oranges amères. Que vous ayez lu ou non ses précédents, vous serez forcément embarqués dans cette course aux réponses, à la vérité, dans ce simulacre de politique municipale plus mafieuse qu'autre chose. Ça fait du bien, de temps en temps. Et si vous ne le lisez pas pour vous, offrez-le à votre femme qui rêve de voyager, à votre ado en âge de voter, à votre belle-mère antisémite, que sais-je ? Le plus important aura été de faire découvrir cet excellent roman qui mérite qu'on s'y penche. Sur ce, je vais rendre à l'éditeur cet article que j'espère suffisamment élogieux. Avec un peu de chance, il acceptera en retour de ne pas diffuser les photos de ma maîtresse lisant After. S’il y a une chose que j’ai retenu dans ce livre, c’est que rien ne mérite qu'on soit cuit professionnellement.
Oranges amères, Liad Shoham. Les Escales, octobre 2015. 432 p, 21,90 €
Sur le site de l’éditeur
Oranges amères, puisque c'est son titre, nous vient tout droit d'Israël, offert par le très talentueux Liad Shoham que l'on avait découvert avec Tel-Aviv suspects il y a quelques années. Dans celui-ci, nous quittons la capitale pour une ville non loin de là, Petah Tikva. Tout commence en pleine campagne pour les élections municipales, par une transaction tout ce qu'il y a de plus banale, dans un cabinet d'avocat reconnu. Un transfert d'argent entre deux entreprises, rien de plus. L'employé qui s'occupe d'acter tout ça se pose quand même quelques questions sur le maire à la vue du document et prend un risque énorme en en envoyant une copie à un journaliste d'investigation, Tamir Jarvy, réputé incorruptible et sans pitié. Après une brève confrontation avec le maire Tsouriel, Jarvy est approché par un ancien ami qui lui propose de travailler pour lui. Il est désormais directeur de campagne pour un candidat qui n'a aucune chance de gagner contre le maire actuel. Le deal est donc simple. Jarvy fouille dans les affaires de Dovy Tsouriel, et mâche ainsi le travail du candidat pour qui travaille son ami Ido. Le hic, c'est que Jarvy disparaît sans laisser de trace. Ido Dolev en est persuadé, tout cela à un rapport avec ce que déterrait son ami.
Je vais m'arrêter là dans le résumé avant de spoiler ce qui me semble être le meilleur twist de la Création, lorsque Dolev fait appel à Anat Nahmias, l'héroïne de Terminus Tel-Aviv que l'on retrouve ici, pour rechercher Tamir Jarvy. Sérieusement, c'est trop drôle. Toujours est-il que Shoham nous embarque dans un thriller de corruption à la fois hyper actuel, vachement exotique et super plaisant. Au fur et à mesure qu'entrent en scène des personnages de plus en plus pourris qui cherchent à contrôler la ville par, entre autres, le gain d'appels d'offres fictifs, on pense toujours tenir notre suspect numéro 1 au mobile parfait. Le truc, c'est que même si ceux-là même nous apprennent qu'ils n'y sont pour rien, ils trouveront toujours une raison de se taire et de faire croire qu'il s'agit d'eux. Tout le monde croit que l'autre est responsable de la disparition de Jarvy, personne n'avance et nous non plus, finalement. Tout ça pour qu'au bout de presque 350 pages sur 400, on n'ait pas l'embryon d'un poil de cul de piste, sans être baladés à outrance. Et c'est bon.
La bonne surprise par rapport aux précédents, c'est la façon dont on quitte la fourmilière de la capitale et sa violence sous-jacente pour atterrir à Petah Tikva où rien ne se passe. La disparition du journaliste fait figure d'évènement inédit là-bas. Du coup, suivre Anat, la Anat Nahmias bête de travail, débarquant ici et se faire expliquer à longueur de journée que Petah Tikva n'est pas Tel-Aviv et qu'elle n'a qu'à s'emmerder correctement dans sa future vie de bonne épouse en attendant de pouvoir récupérer le seul poste un tant soit peu intéressant de la ville, ben ça nous fait facilement ressentir sa frustration. Et on est d'autant plus dérangés d'assister à l'inaction totale des forces de l'ordre, pas forcément par manque de moyens, juste parce que "ce n’est pas la capitale, ici, ça ne sert à rien de s'emballer". Tamir Jarvy n'a pas supporté le fait que sa vie allait changer à cause de la grossesse de sa compagne, il est parti, point. Et pas besoin de poser des questions stupides à propos du maire. L'enquête menée en amateur par Ido Dolev, bien que bancale et dangereuse au regard des personnes qui vont croiser son chemin, semble la seule alternative si quelqu'un dans cette foutue ville veut bien lever le petit doigt pour aider le journaliste disparu. On espère seulement qu'il arrivera à faire tomber les masques en ce qui concerne les dirigeants corrompus de cette ville qui, encore heureux, n'est pas la capitale. Ben oui, entre ça et ce qui se passe à Tel-Aviv dans les autres romans de Shoham, ça ferait beaucoup.
Bref, précipitez-vous sur Oranges amères. Que vous ayez lu ou non ses précédents, vous serez forcément embarqués dans cette course aux réponses, à la vérité, dans ce simulacre de politique municipale plus mafieuse qu'autre chose. Ça fait du bien, de temps en temps. Et si vous ne le lisez pas pour vous, offrez-le à votre femme qui rêve de voyager, à votre ado en âge de voter, à votre belle-mère antisémite, que sais-je ? Le plus important aura été de faire découvrir cet excellent roman qui mérite qu'on s'y penche. Sur ce, je vais rendre à l'éditeur cet article que j'espère suffisamment élogieux. Avec un peu de chance, il acceptera en retour de ne pas diffuser les photos de ma maîtresse lisant After. S’il y a une chose que j’ai retenu dans ce livre, c’est que rien ne mérite qu'on soit cuit professionnellement.
Oranges amères, Liad Shoham. Les Escales, octobre 2015. 432 p, 21,90 €
Sur le site de l’éditeur