Nouveau Jean d’O., nouveau Lévy, nouveau Musso… Je pense qu’au fil du temps, ce qui me chiffonne de plus en plus à mesure que les têtes d’affiches gavent leurs lectorats de daube commerciale annuelle, ce n’est pas tant qu’ils le fassent – tout le monde a le droit de vouloir payer sa villa ou sa coke quand il l’entend – ni même qu’un million de gens s’entêtent sans piger que c’est mauvais. En fait, ce qui me chagrine, c’est que la grosse majorité de leurs lecteurs ne lit plus que ça et finit par devenir un groupe de zombies assoiffés du prochain, sans aucune attirance pour ce qu’il y a tout autour. Merde, où est l’aventure là-dedans ? Où est la surprise ? Il y a tous les jours des auteurs publiés pour la première fois, des auteurs à la fraîcheur on ne peut plus intense, des textes qui ne fleurent pas les relents putrides de l’équipe qui vieillit, qui s’essouffle, qui se meurt mais hé, qui gagne encore. Il y a tant à dévorer. Il y a tellement de quoi s’extasier.
Et puis, plus que tout, il y a tellement d’exemples comme celui d’aujourd’hui qui montrent que premier roman n’est pas toujours synonyme de maladresse et encore moins de plantage, loin de là. Depuis que je lis du polar et encore plus depuis que Mon Cul existe, je me suis aperçu que les meilleurs romans que j’avais lus sont, trois fois sur quatre, des premières tentatives. Ainsi, Que la mort vienne sur moi ne déroge pas à la règle, et l’éditeur J. David Osborne, en novice de l’écrit mais en bon routard du noir, nous offre ce mois-ci une œuvre de toute beauté, prouvant une fois de plus que l’espoir est encore permis. Que la mort vienne sur moi est une double histoire. Celle, premièrement, de Danny Ames, truand notoire amateur de drogues et de pains dans la gueule, à la recherche de son frère récemment disparu. Probablement tiré avec une nana, ce con. Sauf qu’il est difficile à trouver, et ça n’augure rien de bon. De l’autre côté, les frères Arlo et Sepp Clancy qui s’efforcent de mener une vie à peu près normale. Sepp sort de taule pour détention de drogue et intention de la revendre, tâche de trouver un boulot et se réintégrer. Arlo s’emmerde. À bosser dans un magasin de sport, et aussi dans sa vie de couple. Il essaie de faire au mieux. Le vrai problème, c’est quand le chemin de l’un va croiser celui des deux autres. Probable que ça fera du vilain.
Et nous voilà partis dans un roman des plus entraînants, le bon roman noir à l’américaine où les rednecks sont légion, où on achève le poisson au marteau et où on picole comme un taré, seul dans sa bagnole. Si l’on ne devait dire qu’une seule chose, c’est qu’Osborne l’a réussie, son ambiance. À force de brosser des portraits déprimants d’épaves laissées pour compte, d’ex-hippies suintant la vieille came et la pisse, de faux-semblants dans des couples bancals, tout ça fait qu’on se sent à la fois déprimer et jubiler avant même que le spectacle commence. Et quand les coups se mettent à pleuvoir pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c’est là qu’on comprend d’où vient la vraie force de ce récit. Son essence. Le néo noir qui fonce à toute allure.
D'ailleurs, si ça file aussi vite, c’est en grande partie grâce au style méga tranché d’Osborne. Tranché, il n’y a pas d’autre mot. Chaque chapitre est composé d’un petit nombre d’instantanés, généralement de moins d’une page, qui vont droit au but. On ne s’emmerde pas avec les détails, on épure. C’est sec. Sauf qu’en même temps, il s’agit souvent d’instants où rien ne presse : une partie de Scrabble, de pêche, un après-midi de boulot au magasin. C’est lent et ça bouge vite, drôle d’impression. L’accord parfait pour nous régaler sans jamais nous perdre dans les méandres d’une intrigue qui se mettrait à dépasser l’auteur, avide de nous en mettre plein la vue. Non, vraiment. Et c’est tellement bien écrit, bon sang.
Voilà pourquoi il ne faut jamais se contenter de ses marronniers littéraires fadasses. Qu’est-ce que la lecture garderait comme saveur sans nouvelle découverte ? Pourquoi rater des livres comme Que la mort vienne sur moi ? Enfin, vous m’avez compris. Et si vous étiez déjà convaincus dès le début, faites-moi le plaisir de ne pas rendre cette critique inutile, lisez ce livre. Prenez, comme moi, une énième leçon d’écriture et de scenario. Éructez, chérissez, adulez. Diffusez autour de vous. De toute façon, ce sera la première chose qui vous traversera l’esprit en le finissant. Je ne fais que prendre un peu d’avance…
Que la mort vienne sur moi, J. David Osborne. Rivages, janvier 2016. 272 p, 20 €.
Sur le site de l’éditeur
Et puis, plus que tout, il y a tellement d’exemples comme celui d’aujourd’hui qui montrent que premier roman n’est pas toujours synonyme de maladresse et encore moins de plantage, loin de là. Depuis que je lis du polar et encore plus depuis que Mon Cul existe, je me suis aperçu que les meilleurs romans que j’avais lus sont, trois fois sur quatre, des premières tentatives. Ainsi, Que la mort vienne sur moi ne déroge pas à la règle, et l’éditeur J. David Osborne, en novice de l’écrit mais en bon routard du noir, nous offre ce mois-ci une œuvre de toute beauté, prouvant une fois de plus que l’espoir est encore permis. Que la mort vienne sur moi est une double histoire. Celle, premièrement, de Danny Ames, truand notoire amateur de drogues et de pains dans la gueule, à la recherche de son frère récemment disparu. Probablement tiré avec une nana, ce con. Sauf qu’il est difficile à trouver, et ça n’augure rien de bon. De l’autre côté, les frères Arlo et Sepp Clancy qui s’efforcent de mener une vie à peu près normale. Sepp sort de taule pour détention de drogue et intention de la revendre, tâche de trouver un boulot et se réintégrer. Arlo s’emmerde. À bosser dans un magasin de sport, et aussi dans sa vie de couple. Il essaie de faire au mieux. Le vrai problème, c’est quand le chemin de l’un va croiser celui des deux autres. Probable que ça fera du vilain.
Et nous voilà partis dans un roman des plus entraînants, le bon roman noir à l’américaine où les rednecks sont légion, où on achève le poisson au marteau et où on picole comme un taré, seul dans sa bagnole. Si l’on ne devait dire qu’une seule chose, c’est qu’Osborne l’a réussie, son ambiance. À force de brosser des portraits déprimants d’épaves laissées pour compte, d’ex-hippies suintant la vieille came et la pisse, de faux-semblants dans des couples bancals, tout ça fait qu’on se sent à la fois déprimer et jubiler avant même que le spectacle commence. Et quand les coups se mettent à pleuvoir pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c’est là qu’on comprend d’où vient la vraie force de ce récit. Son essence. Le néo noir qui fonce à toute allure.
D'ailleurs, si ça file aussi vite, c’est en grande partie grâce au style méga tranché d’Osborne. Tranché, il n’y a pas d’autre mot. Chaque chapitre est composé d’un petit nombre d’instantanés, généralement de moins d’une page, qui vont droit au but. On ne s’emmerde pas avec les détails, on épure. C’est sec. Sauf qu’en même temps, il s’agit souvent d’instants où rien ne presse : une partie de Scrabble, de pêche, un après-midi de boulot au magasin. C’est lent et ça bouge vite, drôle d’impression. L’accord parfait pour nous régaler sans jamais nous perdre dans les méandres d’une intrigue qui se mettrait à dépasser l’auteur, avide de nous en mettre plein la vue. Non, vraiment. Et c’est tellement bien écrit, bon sang.
Voilà pourquoi il ne faut jamais se contenter de ses marronniers littéraires fadasses. Qu’est-ce que la lecture garderait comme saveur sans nouvelle découverte ? Pourquoi rater des livres comme Que la mort vienne sur moi ? Enfin, vous m’avez compris. Et si vous étiez déjà convaincus dès le début, faites-moi le plaisir de ne pas rendre cette critique inutile, lisez ce livre. Prenez, comme moi, une énième leçon d’écriture et de scenario. Éructez, chérissez, adulez. Diffusez autour de vous. De toute façon, ce sera la première chose qui vous traversera l’esprit en le finissant. Je ne fais que prendre un peu d’avance…
Que la mort vienne sur moi, J. David Osborne. Rivages, janvier 2016. 272 p, 20 €.
Sur le site de l’éditeur