Il y a des figures, comme ça. Des monuments du patrimoine national et historique qui méritent les égards qu’on leur offre. Napoléon a fait l’objet de presque 71 000 livres, Claude François et Michel Audiard continuent d’être des champions de la biographie auxquels s’attaquent des spécialistes de renom, il y a des écrivains, des humoristes. Et plus la bravoure, le talent, l’imagination, bref, l’œuvre de cette célébrité est importante, plus les travaux sont sérieux. En tant que personnage incontournable du paysage français, Bernard Tapie a eu le droit à une BD de 80 pages chez Jungle. Comme je le disais, on a les égards qu’on mérite.
Ça, c’était ce que je me disais avant de lire cet album riche. De quoi, je n’en sais toujours rien, mais riche est le mot qui convient pour une œuvre aussi complète sur tous les plans. Car vous le comprendrez assez vite, Qu’est-ce qui fait courir Tapie ? est un festival.
Si je devais résumer mes impressions dans l’ordre, cela donnerait quelque chose comme… « Ouh, bordel. Le potentiel de cette couverture est trop énorme pour de simples mortels comme nous. Nous ne sommes pas prêts, tout simplement ». Les bras tendus, Nanard (sans déconner, il a le nom de l’emploi) se tient fièrement, le regard déterminé, pesant de tout son poids sur la quenelle qui lui sert de jambe droite. « Sans doute une blessure datant du passage chez Véronique et Davina, jamais avouée au public pour ne pas entacher l’image de l’homme d’affaires dynamique. Si c’est le cas, cette biographie-vérité devrait me l’apprendre ! Entamons donc avec joie ce…
… qu’est-ce que c’est que ce machin ? ». Eh oui, la fiesta commence dès la première planche, où les auteurs nous confirment que Bernard Tapie souffre effectivement de sévères handicaps qu’il tâche de dissimuler, mais jamais aux mêmes endroits. Et sans être purement explicité. Tout curieux que je suis, je me lance donc dans la lecture de la deuxième planche et découvre enfin la vérité, la vérité toute nue. Bernard Tapie n’est pas handicapé, pas plus que ses petits enfants ou Claude Lelouch. C’est juste que…
C’est.
Horriblement.
LAID.
Ça, c’était ce que je me disais avant de lire cet album riche. De quoi, je n’en sais toujours rien, mais riche est le mot qui convient pour une œuvre aussi complète sur tous les plans. Car vous le comprendrez assez vite, Qu’est-ce qui fait courir Tapie ? est un festival.
Si je devais résumer mes impressions dans l’ordre, cela donnerait quelque chose comme… « Ouh, bordel. Le potentiel de cette couverture est trop énorme pour de simples mortels comme nous. Nous ne sommes pas prêts, tout simplement ». Les bras tendus, Nanard (sans déconner, il a le nom de l’emploi) se tient fièrement, le regard déterminé, pesant de tout son poids sur la quenelle qui lui sert de jambe droite. « Sans doute une blessure datant du passage chez Véronique et Davina, jamais avouée au public pour ne pas entacher l’image de l’homme d’affaires dynamique. Si c’est le cas, cette biographie-vérité devrait me l’apprendre ! Entamons donc avec joie ce…
… qu’est-ce que c’est que ce machin ? ». Eh oui, la fiesta commence dès la première planche, où les auteurs nous confirment que Bernard Tapie souffre effectivement de sévères handicaps qu’il tâche de dissimuler, mais jamais aux mêmes endroits. Et sans être purement explicité. Tout curieux que je suis, je me lance donc dans la lecture de la deuxième planche et découvre enfin la vérité, la vérité toute nue. Bernard Tapie n’est pas handicapé, pas plus que ses petits enfants ou Claude Lelouch. C’est juste que…
C’est.
Horriblement.
LAID.
Bon sang de merde, je peux vous l’assurer. Cet album est une superbe blague sur bien des plans, mais la plus ÉNORME reste quand même ces couleurs à chier et ce dessin ignoble à mourir de rire. Et je ne plaisante pas, lorsque je l’ai ouvert pour la première fois, sans m’attarder sur les textes ou l’histoire, j’ai eu un fou rire pendant toute une après-midi. Chaque page. Chaque case. « Sérieusement, à cette page [30], Tapie ressemble à Arlette Laguiller dépressive mangeant une glace à même le pot ! Oh et puis là, c’est qui ce E.T. chevelu qui boit des pintes ? Putain, c’est Borloo ! ». Papin fait du break dance à la page 45. Sur la 35 on voit le président Nixon grimper l’alpe d’Huez sur le vélo de Bernard Hinault. A la page 50, Le Pen est représenté successivement en patate, en Stan Smith grisonnant puis en Bill Clinton. Le pire du pire reste quand même Raymond Goethals (page 53) qui change intégralement de visage d’une case à l’autre, à tel point qu’on dirait le Sim terrifiant le la première case rajeuni de 30 ans sur la suivante. Et franchement, je pourrais faire ça pendant des heures. Roh et puis Jacques Séguéla qu’un coup de poêle dans la tronche en page 37 a complètement défiguré en lui laissant un pif de mandrill. Chaque case, disais-je. Chaque putain de case. Un régal monumental.
Mais je ne peux pas écrire un article entier sur le dessin immonde, vous le comprendrez. Alors je vais être obligé de parler de l'histoire. En fait, l'astuce narrative qui fait de Qu'est-ce qui fait courir Tapie ? un régal monumental, c'est que toute l'histoire de Bernard Tapie est racontée par lui-même à ses petits enfants avant de dormir. On passera sur le fait qu'il leur apprend une leçon de vie fondamentale, à savoir que se séparer de son boulet de femme et de ses deux enfants après avoir harcelé sexuellement sa future femme au travail est la clé de la réussite de tout bon autoentrepreneur. Le truc, c'est que Tapie est une victime. Une victime qu'il faut plaindre lorsqu'on est intelligent, pas comme les journalistes. « Je ne les aime pas, ceux-là, mais ils ont des circonstances atténuantes, vous savez : ils rencontrent des gens qui ont de l'argent, du pouvoir ou de la célébrité, tandis qu'eux n'ont rien de tout ça ! ». Cette pique gratuite vous est offerte par Arnaud Ramsay et les éditions Jungle. Une victime, disais-je. Tellement violenté mentalement par les 96 heures de garde à vue de la brigade financière qu'ils lui ont provoqué un malaise (p.70), tellement victime d'injustice alors qu' « Ils ont mis 160 policiers sur cette minable affaire ! Plus que sur le petit Grégory, tu te rends compte ? ». Méchants policiers qui se moquent bien du meurtre d'un enfant. Les enfants, le super héros Tapie connait, lui qui a sauvé d'une mort certaine son fils prématuré en le transportant de force dans un autre hôpital, contre l'avis des médecins incompétents. Il faut dire que les professionnels connaissent bien moins leur métier que lui, il est incollable sur la médecine depuis que sa mamie est décédée d'une occlusion intestinale. Et en plus, il a le sauvetage modeste. Putain, mais pourquoi personne n'aime cet homme ?
Mais je ne peux pas écrire un article entier sur le dessin immonde, vous le comprendrez. Alors je vais être obligé de parler de l'histoire. En fait, l'astuce narrative qui fait de Qu'est-ce qui fait courir Tapie ? un régal monumental, c'est que toute l'histoire de Bernard Tapie est racontée par lui-même à ses petits enfants avant de dormir. On passera sur le fait qu'il leur apprend une leçon de vie fondamentale, à savoir que se séparer de son boulet de femme et de ses deux enfants après avoir harcelé sexuellement sa future femme au travail est la clé de la réussite de tout bon autoentrepreneur. Le truc, c'est que Tapie est une victime. Une victime qu'il faut plaindre lorsqu'on est intelligent, pas comme les journalistes. « Je ne les aime pas, ceux-là, mais ils ont des circonstances atténuantes, vous savez : ils rencontrent des gens qui ont de l'argent, du pouvoir ou de la célébrité, tandis qu'eux n'ont rien de tout ça ! ». Cette pique gratuite vous est offerte par Arnaud Ramsay et les éditions Jungle. Une victime, disais-je. Tellement violenté mentalement par les 96 heures de garde à vue de la brigade financière qu'ils lui ont provoqué un malaise (p.70), tellement victime d'injustice alors qu' « Ils ont mis 160 policiers sur cette minable affaire ! Plus que sur le petit Grégory, tu te rends compte ? ». Méchants policiers qui se moquent bien du meurtre d'un enfant. Les enfants, le super héros Tapie connait, lui qui a sauvé d'une mort certaine son fils prématuré en le transportant de force dans un autre hôpital, contre l'avis des médecins incompétents. Il faut dire que les professionnels connaissent bien moins leur métier que lui, il est incollable sur la médecine depuis que sa mamie est décédée d'une occlusion intestinale. Et en plus, il a le sauvetage modeste. Putain, mais pourquoi personne n'aime cet homme ?
Au final, cet album est tout simplement un hymne à notre Nanard national, le Nanard hyperactif, intelligent, défenseur de la cause animale, chanteur, pilote de course, commercial, ingénieur conseil, sportif, voleur (moral) de dictateurs, manager sportif, conférencier, présentateur télé, défenseur du Made in France, recordman de traversée de l'Atlantique nord à la voile, président de l'OM, homme politique, animateur radio, acteur, auteur, pilote d'avion, ami des grands, lui-même grand parmi les grands. Ce qui fait de cette BD une comédie sans nom, c'est ce culte de l'image quasi-divine de Tapie, en toute circonstance et avec un traitement des plus sérieux qui soit. Cet album est un reportage mal fait et mal joué sur la vie privée de Nanard. Un épisode du Jour où tout a basculé, mettant en scène un ministre de la Ville qui jouait dans une pub pour sa propre marque de piles. Sans déconner, je ne m'en suis rendu compte qu'en la survolant pour me la remémorer, c'est dire à quel point la propagande est efficace : il n'y a pas trois planches d'affilée sans qu'on ne le voie en train de faire un sport différent, il n'y a pas une seule case où le doute plane quant à son business douteux, il est victimisé partout où il passe, mais il se relève !
Alors… pourquoi ? Oui, pourquoi cette daube inonda-t-elle nos librairies, pour mon plus grand bonheur ? Pourquoi un journaliste sportif décide-t-il de se coller à un scénario de bande dessinée à la gloire de Tapie ? Pourquoi nous infliger un Faro à l’abîme de son art, qui donne plus le sentiment d’honorer une commande pour manger autre chose que des pâtes en deuxième moitié de mois ? Ah, mais attendez. Vous ne sentez pas qu'on tient une piste ?
Je meurs d'envie de vous le dire depuis le début, et après ça, vous pourrez rire d'autant plus à la lecture de cet album. En exergue, Arnaud Ramsay remercie Laurent Tapie, le fils de l'intéressé. Je vais vous épargner le résultat de mes recherches sur Tapie Junior, qui m'ont presque autant fait rire que l'album sur Senior, mais je vous recommande quand même la lecture rapide de http://www.affairetapie.info/, le site entièrement écrit en Comic Sans MS – du jamais vu depuis Skyblog – qu'il a créé pour prouver l'innocence de papa. Alors… vous le sentez venir ? Évidemment ce ne sont que des suppositions, mais quand même. Ça pue grandement l’œuvre de commande du soldat junior dans sa tentative de racheter l'image de Nanard. De toute façon, vu la date de sortie, c'est soit ça, soit un cadeau de fête des pères à l'échelle nationale par l'intermédiaire de Jungle. Et on croit toujours qu'avec le temps on ne pourra pas recevoir pire que des colliers de pâtes…
Qu’est-ce qui fait courir Tapie ?, Faro & Arnaud Ramsay. Jungle éditions, mai 2015. 80 p, 14,95 €
Sur le site de l’éditeur
Alors… pourquoi ? Oui, pourquoi cette daube inonda-t-elle nos librairies, pour mon plus grand bonheur ? Pourquoi un journaliste sportif décide-t-il de se coller à un scénario de bande dessinée à la gloire de Tapie ? Pourquoi nous infliger un Faro à l’abîme de son art, qui donne plus le sentiment d’honorer une commande pour manger autre chose que des pâtes en deuxième moitié de mois ? Ah, mais attendez. Vous ne sentez pas qu'on tient une piste ?
Je meurs d'envie de vous le dire depuis le début, et après ça, vous pourrez rire d'autant plus à la lecture de cet album. En exergue, Arnaud Ramsay remercie Laurent Tapie, le fils de l'intéressé. Je vais vous épargner le résultat de mes recherches sur Tapie Junior, qui m'ont presque autant fait rire que l'album sur Senior, mais je vous recommande quand même la lecture rapide de http://www.affairetapie.info/, le site entièrement écrit en Comic Sans MS – du jamais vu depuis Skyblog – qu'il a créé pour prouver l'innocence de papa. Alors… vous le sentez venir ? Évidemment ce ne sont que des suppositions, mais quand même. Ça pue grandement l’œuvre de commande du soldat junior dans sa tentative de racheter l'image de Nanard. De toute façon, vu la date de sortie, c'est soit ça, soit un cadeau de fête des pères à l'échelle nationale par l'intermédiaire de Jungle. Et on croit toujours qu'avec le temps on ne pourra pas recevoir pire que des colliers de pâtes…
Qu’est-ce qui fait courir Tapie ?, Faro & Arnaud Ramsay. Jungle éditions, mai 2015. 80 p, 14,95 €
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