On ne va pas se le cacher, les jeux de rôles sont sympas, forgent l’imagination et l’esprit d’équipe, mais sont quand même franchement chiants à la longue. Et pas seulement pour les non-amateurs de RPG. Parce que, comme la plupart de la fantasy servie avec autant d’élégance qu’une purée d’épinards dans une cantine scolaire, à un public souvent peu regardant parce que les dragons c’est cool et les nains marrants, les intrigues tournent toujours autour de la même chose. Vous pouvez bien sûr toujours fouiller, et trouver des auteurs comme Joe Abercrombie qui aiment donner des coups de pied au cul à grand renforts de cynisme profond et d’humour bien noir, mais la majorité de l’exploitation du genre – que ce soit en littérature ou en jeux, films et autres – reste basé sur des quêtes similaires. Un héros qui n’a pas de parents ou qu’un seul, croisant des nains barbus et des elfes d’une beauté surnaturelle et qui part en quête, sous la tutelle d’un vieux mage, contre des forces du mal mettant à mal le royaume ou la contrée. Je rêve d’une fantasy avec un héros qui n’en a rien à battre, dont la seule quête soit de baiser un maximum de naines pour rendre jaloux le mage noir bisexuel qui lui a tout volé pour attirer son attention, amoureux transi depuis des décennies. Là, je veux bien m’assoir à une table pour lancer les dés. Ou sinon, il y a la méthode Offices & Humans. Et il faut dire que ça tape aussi.
Le principe de cet album est simple. Au lieu d’humains qui se rêvent en héros de quêtes épiques dans des contrées dangereuses et peuplées de dragons, ce sont des dragons qui jouent à un jeu pour lequel ils incarnent des employés de bureau vivant une journée de travail, Offices & Humans. Dans ce jeu, les quêtes sont ardues : envoyer sa candidature à la concurrence ou développer un produit qui assurera une promotion. Le chemin est semé d’embuches, entre les photocopieuses au fonctionnement mystérieux ou les jeux flash chronophages sur internet, mais les joueurs tenteront de mettre à profit leurs caractéristiques et leurs capacités pour se sortir de situations délicates. Ça, et une grosse part de chance au lancer de dés, naturellement.
Et ce truc est drôle, bon sang. Parce qu'en y réfléchissant bien, c’est difficile de jouer un humain quand on en n’est pas un, comme il est difficile pour nous d’imiter à la perfection un ornithorynque et ce, même si je suis persuadé qu’il y a des fétichistes des ornithorynques qui tentent le cosplay. Donc on a des dragons qui essaient de se comporter comme des humains et en regard, l’illustration de ce que ça donne. Et c’est con. Ça crochète la serrure au lieu de demander la clé, ça se cache dans les placards pour des raisons parfaitement obscures, ça créé des PowerPoint où tous les mots sont séparés par des points, « quand tout à coup, tu as très soif ! ». Comme d’habitude, l’absurde fait toujours marrer, et encore plus avec un dessin aussi naïf.
Et ce truc est drôle, bon sang. Parce qu'en y réfléchissant bien, c’est difficile de jouer un humain quand on en n’est pas un, comme il est difficile pour nous d’imiter à la perfection un ornithorynque et ce, même si je suis persuadé qu’il y a des fétichistes des ornithorynques qui tentent le cosplay. Donc on a des dragons qui essaient de se comporter comme des humains et en regard, l’illustration de ce que ça donne. Et c’est con. Ça crochète la serrure au lieu de demander la clé, ça se cache dans les placards pour des raisons parfaitement obscures, ça créé des PowerPoint où tous les mots sont séparés par des points, « quand tout à coup, tu as très soif ! ». Comme d’habitude, l’absurde fait toujours marrer, et encore plus avec un dessin aussi naïf.
Mais il ne faut pas croire, c’est quand même foutrement bien réfléchi. Il n’y a pas que le gag pour le gag. Ça fait rire, d’assister à un lancer dé pour savoir si internet va marcher ou pas, justement parce que c’est presque comme ça que ça marche. Une somme de hasards qu’illustre chaque lancer de dés des joueurs. Sans parler de la vacuité que peuvent représenter nos vies à nos yeux et qui pourtant stimulent l’imagination débordante de véritables créatures mythiques de fantasy, vivant des aventures dangereuses et épiques. Ça fait du bien, non ? De se savoir enviés par eux. Et si on creuse encore plus, il y a matière à réfléchir sur notre vision de la fantasy : s’il devait exister un monde aux lois similaires, ressemblerait-il vraiment à ce à quoi nous nous attendons ? Les planches du « vrai monde » des dragons laissent à penser que non. Et si on bâcle ces mondes autant que les parties d’Offices & Humans bâclent le nôtre, ça expliquerait tout.
Toutes ces raisons font qu’Offices & Humans doit être lu, mais principalement parce que c’est tordant. Et si jamais vous vouliez offrir cet album à votre neveu qui adore la fantasy burnée au point que mamie le voit déjà finir beauf ou homosexuel, mais que vous ne le pensez pas suffisamment intéressé par une quête bureaucratique, n’ayez crainte. La foultitude d’hommages aux joueurs de RPG ou aux fans de fantasy est telle qu’il s’adresse à tous, novice qui veut se foutre de la tronche des geeks ou geeks qui veulent rire d’eux-mêmes. C’est ce genre d’album qu’on voudrait lire tout le temps. C’est, finalement, un peu l’objet d’une quête à lui tout seul.
Ah bon sang. Trop de mise en abyme à la fois !
Offices & Humans, Roope Eronen. Misma, février 2014. 172p, 17 €.
Sur le site de l’éditeur
Toutes ces raisons font qu’Offices & Humans doit être lu, mais principalement parce que c’est tordant. Et si jamais vous vouliez offrir cet album à votre neveu qui adore la fantasy burnée au point que mamie le voit déjà finir beauf ou homosexuel, mais que vous ne le pensez pas suffisamment intéressé par une quête bureaucratique, n’ayez crainte. La foultitude d’hommages aux joueurs de RPG ou aux fans de fantasy est telle qu’il s’adresse à tous, novice qui veut se foutre de la tronche des geeks ou geeks qui veulent rire d’eux-mêmes. C’est ce genre d’album qu’on voudrait lire tout le temps. C’est, finalement, un peu l’objet d’une quête à lui tout seul.
Ah bon sang. Trop de mise en abyme à la fois !
Offices & Humans, Roope Eronen. Misma, février 2014. 172p, 17 €.
Sur le site de l’éditeur