Ce brave Walter Elias Disney. Homme de cinéma, producteur de génie, juif antisémite, anticommuniste, sympathisant nazi cryogénisé et stocké sous l’attraction Pirates of the Caribbean. On peut dire ce que l’on veut de l’homme en lui-même, mais son œuvre ? Les adjectifs sont nombreux. Étincelant, mignon, rose, mièvre, dégoulinant, absurde. Les mondes fantaisistes ne font pas toujours l’unanimité, que voulez-vous. Une chose est sûre, c’est sacrément codé. Et non pas que l’on ait toujours l’impression de regarder la même chose ou que les films ne vaillent pas le coup, mais quand même… on se fait chier, non ?
En plein dans les années 80, on retrouve Monsieur Jean-Pierre Dionnet. Entre autres casquettes, il est scénariste à l’origine de Métal Hurlant qui aime le cinéma et qui se désespère un tant soit peu de la machine Disney, de l’empire Disney, de tout qualificatif que vous voudrez du moment qu’il inspire la masse grouillante et le pognon. Et puis Pirus, scénariste/dessinateur foutrement talentueux. Et donc, Rose Profond.
En plein dans les années 80, on retrouve Monsieur Jean-Pierre Dionnet. Entre autres casquettes, il est scénariste à l’origine de Métal Hurlant qui aime le cinéma et qui se désespère un tant soit peu de la machine Disney, de l’empire Disney, de tout qualificatif que vous voudrez du moment qu’il inspire la masse grouillante et le pognon. Et puis Pirus, scénariste/dessinateur foutrement talentueux. Et donc, Rose Profond.
Tout va à merveille au Pays Rose, comme d’habitude. Sauf qu’aujourd’hui est un jour particulier ! Malcolm, le gentil rat au pantalon rouge, le héros que tout le monde admire pour ses multiples aventures vertueuses et cocasses, fête son cinquantième anniversaire ! Au village, c’est la liesse totale. Tout le monde le salue sur son chemin, fier d’être son ami, et attend la grande fête donnée le soir même. Même Crotella, la méchante ennemie de Malcolm, ne veut pas lui faire de mauvaise farce en ce jour si spécial. C’est dire ! Alors le soir venu, c’est la fête chez Malcolm. Tous ses amis sont venus pour danser, chanter, s’amuser. Il y a même Mimi, l’amoureuse de Malcolm qui passe un excellent moment. Malcolm danse, chante et s’amuse, bien sûr, comme tous les autres. Sauf qu’il boit en plus, le chenapan, et plus que de raison, ce que s’évertue à lui dire Mimi. Quand il est bien fait, Malcolm emmène Mimi pour une surprise dans sa cabane secrète. La chieuse l’emmerde à rouspéter, et il aime tellement être bourré ! Et cette connasse qui continue à le raisonner dans le vide. Cette fois, c’est sûr. Après cinquante ans de simples bisous sur le front après s’être crevé le cul à la sauver des mains des méchants, Malcolm est frustré. Beaucoup.
Ai-je besoin de spoiler ? Là est la question. J’ai tendance à penser que ce n’est pas l’histoire en elle-même mais son traitement qui vaut le coup d’être découvert. Mais j’engage ceux qui ne veulent pas connaître le reste à aller lire cette œuvre et revenir ensuite. Même si la suite est plutôt évidente, en un sens. Ben oui, Malcolm viole Mimi comme un porc. Pendant toute la nuit, jusqu’à ce qu’il soit pris la main dans le… sac par les habitants du Pays Rose, estomaqués, qui vont le bannir et l’envoyer vivre au Pays Gris, un monde sans pitié dans lequel il faut travailler dans d’horribles conditions pour pouvoir manger, un monde où vivent la plupart de ses anciens ennemis qui vont lui faire payer le passé. Jusqu’à ce que Malcolm ravale son honneur et demande à Crotella, qui vit entre les deux pays, de l’aider à revenir. S’en suit un superbe procès final de Malcolm pour décider s’il peut réintégrer le Pays Rose malgré son crime, ou non.
Voilà, le ton est donné. Et c’est bien dommage finalement, parce que la découverte de cet album mythique ne commence pas par l’histoire mais par le dessin, un trait d’une beauté incroyable reprenant le style des tous premiers cartoons Disney, les couleurs sont superbes et tout ça crée une ambiance tellement mignonne et innocente qu’on est encore plus surpris quand arrive ce qui arrive. Et au final, un décalage monstrueux entre dessin et propos sur tout le reste de la BD. D’ailleurs, dans l’avant propos, il y un libraire de l’époque qui est cité, et qui raconte qu’il était sans cesse obligé de retirer des mains des gosses l’album que le visuel attirait, expliquer pourquoi au père, et voir le papa en question revenir deux jours plus tard l’acheter pour lui. Sérieusement, et ça ne prend que deux secondes, allez taper « Rose Profond » dans Google Images. Vous comprendrez de quoi je parle.
Voilà, le ton est donné. Et c’est bien dommage finalement, parce que la découverte de cet album mythique ne commence pas par l’histoire mais par le dessin, un trait d’une beauté incroyable reprenant le style des tous premiers cartoons Disney, les couleurs sont superbes et tout ça crée une ambiance tellement mignonne et innocente qu’on est encore plus surpris quand arrive ce qui arrive. Et au final, un décalage monstrueux entre dessin et propos sur tout le reste de la BD. D’ailleurs, dans l’avant propos, il y un libraire de l’époque qui est cité, et qui raconte qu’il était sans cesse obligé de retirer des mains des gosses l’album que le visuel attirait, expliquer pourquoi au père, et voir le papa en question revenir deux jours plus tard l’acheter pour lui. Sérieusement, et ça ne prend que deux secondes, allez taper « Rose Profond » dans Google Images. Vous comprendrez de quoi je parle.
Mais bien sûr, tout ce que j’aime, c’est la deuxième lecture. Rose Profond, c’est une BD « profondément » iconoclaste, qui s’acharne à décortiquer les codes de la maison Disney et du cartoon en général. Okay, l’histoire est prenante et drôle puisque décalée, dans l’hypothèse où on aime l’humour bien, bien noir. Mais ce qui m’a le plus plu dans tout ça, c’est tous les clins d’œil relatifs aux codes qui nous font nous interroger à leur propos, là où Disney pose ça comme un fait. Les personnages portent des gants blancs, point, nous dit Walt. Les personnages portent des gants mais ne se souviennent même plus de quand ça date, qui le leur a dit et ça les démange horriblement jusqu’à l’eczéma, nous disent Dionnet et Pirus. Les personnages vivent leurs aventures quand il y en a, nous dit Disney. Les personnages n’ont pas de travail donc pas d’argent, mais reçoivent tout gratuitement de façon inexpliquée, y compris les paniers repas distribués régulièrement par on-ne-sait-qui sans que personne ne se pose la question, répondent Dionnet et Pirus. Et c’est ça qui est intéressant, beaucoup plus que le dessin ou l’histoire.
Et l’apogée de tout ça, c’est bien la scène finale du procès. Parce que pendant le procès, tous ces codes sont abordés, il y a même des petits clins d’œil simplement humoristiques quand on voit une colombe se plaindre de la poche à fiente qu’on lui force à porter sous le fion pour ne pas qu’elle en foute partout. Tout le monde commence à s’interroger sur le sens de tout ça, sur le moment où toutes ces règles ont commencé sans que personne ne soit capable de s’en souvenir. Tout ça est plus ou moins implicitement imputé à une entité supérieure qui doit probablement être irresponsable, vu l’absurdité. Ben cette entité, c’est Disney, bien sûr. Disney qui continue de s’en prendre plein la tronche par deux compères fatigués des histoires moralisatrices et sucrées que le cinéma avait (a ?) le bon goût de déverser à la jeunesse. La touche finale, c’est que Rose Profond n’a pas de morale. Pas la double lecture, qui a celle que je viens d’expliquer, mais l’histoire en elle-même, qui a l’air de ne pas se finir, ou pas comme ça devrait. Mimi retire sa plainte pour le viol, Malcolm revient au Pays Rose, comme si tout était absolument normal. Comme un cartoon classique, sauf que Donald ne sodomise jamais Daisy en public, lui. Le pied de nez ultime.
Et merde, allez-y. Lisez Rose Profond, c’est merveilleux, cruellement drôle et étrangement intemporel. Assurez-vous simplement de le lire discrètement, caché de vos enfants en évitant les questions gênantes. Et surtout, évitez de rire ou de vous gratter les couilles la prochaine fois que vous regardez La Reine des Neiges avec eux. Là, ce serait plutôt mal vu.
Rose Profond, Jean-Pierre Dionnet et Michel Pirus. Casterman, avril 2015. 96 p, 25 €
Sur le site de l’éditeur
Et l’apogée de tout ça, c’est bien la scène finale du procès. Parce que pendant le procès, tous ces codes sont abordés, il y a même des petits clins d’œil simplement humoristiques quand on voit une colombe se plaindre de la poche à fiente qu’on lui force à porter sous le fion pour ne pas qu’elle en foute partout. Tout le monde commence à s’interroger sur le sens de tout ça, sur le moment où toutes ces règles ont commencé sans que personne ne soit capable de s’en souvenir. Tout ça est plus ou moins implicitement imputé à une entité supérieure qui doit probablement être irresponsable, vu l’absurdité. Ben cette entité, c’est Disney, bien sûr. Disney qui continue de s’en prendre plein la tronche par deux compères fatigués des histoires moralisatrices et sucrées que le cinéma avait (a ?) le bon goût de déverser à la jeunesse. La touche finale, c’est que Rose Profond n’a pas de morale. Pas la double lecture, qui a celle que je viens d’expliquer, mais l’histoire en elle-même, qui a l’air de ne pas se finir, ou pas comme ça devrait. Mimi retire sa plainte pour le viol, Malcolm revient au Pays Rose, comme si tout était absolument normal. Comme un cartoon classique, sauf que Donald ne sodomise jamais Daisy en public, lui. Le pied de nez ultime.
Et merde, allez-y. Lisez Rose Profond, c’est merveilleux, cruellement drôle et étrangement intemporel. Assurez-vous simplement de le lire discrètement, caché de vos enfants en évitant les questions gênantes. Et surtout, évitez de rire ou de vous gratter les couilles la prochaine fois que vous regardez La Reine des Neiges avec eux. Là, ce serait plutôt mal vu.
Rose Profond, Jean-Pierre Dionnet et Michel Pirus. Casterman, avril 2015. 96 p, 25 €
Sur le site de l’éditeur