C'est bientôt les vacances pour tout le monde, y compris pour Mon Cul. Ah, la chaleur, le soleil, les galipettes à la plage. L'occasion parfaite pour un hommage parfait à l'Amour, et pas n'importe lequel ! L'Amour, le vrai, qui pousse à observer sa voisine à la paire de jumelles, la suivre le soir, lui écrire des mots d'amour partout sur son portail, et finir par l'enlever. Le tout, dans la bonne humeur (bien sûr). Après tout, pourquoi tout cela ne devrait-il pas être simple comme bonjour ? Tous les jours, des hommes et des femmes se réveillent avec un sentiment de solitude tenace, une nostalgie du temps où quelqu'un partageait leurs vies. Pourquoi se morfondre quand on peut forcer quelqu'un ? Hein, pourquoi ?
Rassurez-vous, la personne qui partage ma vie est tout à fait consentante et est prête à le répéter à tout bout de champ comme je le lui ai appris. Pourquoi je dis ça, alors ? Mais parce que c'est le thème de notre fabuleux roman d'aujourd'hui, Torpedo Juice ! Dernier d'une série de romans du fort talentueux Tim Dorsey, Torpedo Juice fait de nouveau appel à ses deux héros fétiches, Coleman et Serge. Ces deux branques inimaginables qui, après avoir fait de la prison, monté une agence de tourisme douteuse ou encore joué les ignobles voisins, innovent dans leur potentiel comique. Coleman est toujours alcoolique, accro au pétard, sa voiture ressemble à un champ de bataille - ou plutôt à une décharge publique qui se serait fait arroser par plusieurs bombes H - et, quand il n'est pas au bar ou au supermarché pour sa bière, il assiste à des groupes de soutien pour le fun. De son côté, Serge veut se refaire et cherche un moyen. Il aimerait bien devenir le nouveau Jimmy Buffett (le cousin de Warren), mais il n'est pas non plus un dieu de la guitare et bizarrement, il exaspère les gens. Il n'a pourtant pas dit son dernier mot et un jour, il en est enfin certain : Serge Stroms va se marier ! Sauf que pour ça, il faut qu'il se trouve une femme. Pas de panique, même s'il est aidé de Coleman, Serge sait que ses méthodes de séductions sont infaillibles.
Que dire, que dire ? C'est drôle, tout simplement. C'est con donc c'est drôle, d'ailleurs. Les personnages de Dorsey sont des caricatures tellement loufoques qu'il est impossible de se représenter quoi que ce soit d'autre à part des personnages grotesques de dessins animés de Seth McFarlane. J'ai beaucoup ri en lisant Demande, et tu recevras de Sam Lipsyte pour son côté outrancièrement réaliste qui créait un décalage par rapport au medium qu'est le roman que l'on lit (petite parenthèse que je n'avais pas jugé utile de faire dans ma critique de Lipsyte : à un moment donné du roman, quelqu'un dit au personnage principal que si la vie de celui-ci était un roman, ce serait nul à chier et pas intéressant, dans le but de créer une séparation complète qui nous donnait du recul), ici c'est tout le contraire, Dorsey semble nous rabâcher en permanence qu'on est dans un roman et qu'il ne faut rien prendre au sérieux. L'exemple du narrateur, par exemple. A plusieurs reprises dans le roman, un narrateur omniscient s'adresse à nous, complètement bourré. "Hé salut, c'est moi le narrateur omniscient", un peu à la façon dont le faisait le cow-boy qui n'avait rien à foutre là dans The Big Lebowski. Rajoutons aussi que le fil rouge de Coleman est Serge est entremêlé d'une autre intrigue un peu plus "sérieuse" au départ, plus "polar" qui contraste et renforce le ridicule de la quête de Serge. Bref, tout est fait pour dézinguer le roman est en faire quelque chose d'absurde assumé. Il faut de sacrées bollocks pour orienter d'office un roman dans ce sens, et Tim Dorsey y arrive superbement.
Allons quand même au-delà, cependant. Derrière la comédie se cache une satire sociale de la région des Keys, en Floride, plutôt navrante bien qu'elle passe par l'humour décapant. Sur les bords d'autoroute, on se trouve plongé dans des scènes de vie quotidienne d'une ruralité et d'une tristesse désarmante suite à la crise économique, que ce soit aux fameux groupes de soutien miteux, ateliers animés par des flics sans véritable charisme face aux drogués, des échoppes d'autoroutes déprimantes, lieux de villégiature d'âmes en perdition à la recherche d'un peu d'alcool, d'un peu de sucreries, de beaucoup d'alcool, de beaucoup des deux. Et puis les ragots de bars, aussi. Les épaves de tous horizons qui se retrouvent derrière des cascades de pintes pour raconter ce qu'il ont entendu dire par un type à qui on a parlé d'un mec qui connait un ponte du trafic de drogue, une femme aux mœurs légères ou qui a simplement déjà visité un îlot qu'on croit mal famé. C'est soit ça, soit la télé abrutissante à longueur de journée, de toute façon. La jeunesse est pitoyable de stoïcisme, les vieux seraient déjà morts que la différence ne serait pas flagrante, et les hommes et femmes d'âge moyen ont la vie plus que dure. Encore un joli coup de sabot dans ta gueule, Amérique Puritaine !
Bien évidemment, cette chronique précautionneuse ne porte que sur une petite moitié de Torpedo Juice, afin d'éviter les spoilers méchants. Mais comme la quatrième de couverture du roman le dit elle-même, alors soit, je le dis : Serge va trouver celle qu'il fera devenir son âme sœur, et je dois dire que c'est à partir de là que j'ai le plus ri comme un con. J'ai tellement envie de spoiler un maximum, comme on partage plus tard les meilleurs moments d'une sortie entre potes, mais je ne me contenterai que de vous conseiller de vous ruer vers cette pépite. Si comme la plupart des clients désœuvrés de librairies, vous cherchez un roman bien écrit, facile à lire et détendant, ne faites pas comme les autres qui finissent par se ruer sur les daubes commerciales que les éditeurs vous servent pour vous faciliter la vie et faire craquer leur trésorerie. Lisez Torpedo Juice, c’est de la bonne.
Quant à moi, je vous dis bonnes vacances et on se retrouve fin août pour découvrir des tas de bons ou de mauvais trucs perdus dans les 589 romans de la rentrée littéraire. Bonnes lectures à tous, buvez beaucoup, tirez vos coups et attention au soleil parce que ça brûle. Au besoin, tartinez vos amis de crème solaire, vos voisines aussi, et toutes les raies qui s’exposent en rang d’oignons à perte de vue. Qui sait, peut être qu’en insistant bien, vous finirez par trouver l’amour aussi facilement que Serge !
Torpedo Juice, Tim Dorsey. Editions Rivages, juin 2015. 416 p. 23 €
Sur le site de l'éditeur
Rassurez-vous, la personne qui partage ma vie est tout à fait consentante et est prête à le répéter à tout bout de champ comme je le lui ai appris. Pourquoi je dis ça, alors ? Mais parce que c'est le thème de notre fabuleux roman d'aujourd'hui, Torpedo Juice ! Dernier d'une série de romans du fort talentueux Tim Dorsey, Torpedo Juice fait de nouveau appel à ses deux héros fétiches, Coleman et Serge. Ces deux branques inimaginables qui, après avoir fait de la prison, monté une agence de tourisme douteuse ou encore joué les ignobles voisins, innovent dans leur potentiel comique. Coleman est toujours alcoolique, accro au pétard, sa voiture ressemble à un champ de bataille - ou plutôt à une décharge publique qui se serait fait arroser par plusieurs bombes H - et, quand il n'est pas au bar ou au supermarché pour sa bière, il assiste à des groupes de soutien pour le fun. De son côté, Serge veut se refaire et cherche un moyen. Il aimerait bien devenir le nouveau Jimmy Buffett (le cousin de Warren), mais il n'est pas non plus un dieu de la guitare et bizarrement, il exaspère les gens. Il n'a pourtant pas dit son dernier mot et un jour, il en est enfin certain : Serge Stroms va se marier ! Sauf que pour ça, il faut qu'il se trouve une femme. Pas de panique, même s'il est aidé de Coleman, Serge sait que ses méthodes de séductions sont infaillibles.
Que dire, que dire ? C'est drôle, tout simplement. C'est con donc c'est drôle, d'ailleurs. Les personnages de Dorsey sont des caricatures tellement loufoques qu'il est impossible de se représenter quoi que ce soit d'autre à part des personnages grotesques de dessins animés de Seth McFarlane. J'ai beaucoup ri en lisant Demande, et tu recevras de Sam Lipsyte pour son côté outrancièrement réaliste qui créait un décalage par rapport au medium qu'est le roman que l'on lit (petite parenthèse que je n'avais pas jugé utile de faire dans ma critique de Lipsyte : à un moment donné du roman, quelqu'un dit au personnage principal que si la vie de celui-ci était un roman, ce serait nul à chier et pas intéressant, dans le but de créer une séparation complète qui nous donnait du recul), ici c'est tout le contraire, Dorsey semble nous rabâcher en permanence qu'on est dans un roman et qu'il ne faut rien prendre au sérieux. L'exemple du narrateur, par exemple. A plusieurs reprises dans le roman, un narrateur omniscient s'adresse à nous, complètement bourré. "Hé salut, c'est moi le narrateur omniscient", un peu à la façon dont le faisait le cow-boy qui n'avait rien à foutre là dans The Big Lebowski. Rajoutons aussi que le fil rouge de Coleman est Serge est entremêlé d'une autre intrigue un peu plus "sérieuse" au départ, plus "polar" qui contraste et renforce le ridicule de la quête de Serge. Bref, tout est fait pour dézinguer le roman est en faire quelque chose d'absurde assumé. Il faut de sacrées bollocks pour orienter d'office un roman dans ce sens, et Tim Dorsey y arrive superbement.
Allons quand même au-delà, cependant. Derrière la comédie se cache une satire sociale de la région des Keys, en Floride, plutôt navrante bien qu'elle passe par l'humour décapant. Sur les bords d'autoroute, on se trouve plongé dans des scènes de vie quotidienne d'une ruralité et d'une tristesse désarmante suite à la crise économique, que ce soit aux fameux groupes de soutien miteux, ateliers animés par des flics sans véritable charisme face aux drogués, des échoppes d'autoroutes déprimantes, lieux de villégiature d'âmes en perdition à la recherche d'un peu d'alcool, d'un peu de sucreries, de beaucoup d'alcool, de beaucoup des deux. Et puis les ragots de bars, aussi. Les épaves de tous horizons qui se retrouvent derrière des cascades de pintes pour raconter ce qu'il ont entendu dire par un type à qui on a parlé d'un mec qui connait un ponte du trafic de drogue, une femme aux mœurs légères ou qui a simplement déjà visité un îlot qu'on croit mal famé. C'est soit ça, soit la télé abrutissante à longueur de journée, de toute façon. La jeunesse est pitoyable de stoïcisme, les vieux seraient déjà morts que la différence ne serait pas flagrante, et les hommes et femmes d'âge moyen ont la vie plus que dure. Encore un joli coup de sabot dans ta gueule, Amérique Puritaine !
Bien évidemment, cette chronique précautionneuse ne porte que sur une petite moitié de Torpedo Juice, afin d'éviter les spoilers méchants. Mais comme la quatrième de couverture du roman le dit elle-même, alors soit, je le dis : Serge va trouver celle qu'il fera devenir son âme sœur, et je dois dire que c'est à partir de là que j'ai le plus ri comme un con. J'ai tellement envie de spoiler un maximum, comme on partage plus tard les meilleurs moments d'une sortie entre potes, mais je ne me contenterai que de vous conseiller de vous ruer vers cette pépite. Si comme la plupart des clients désœuvrés de librairies, vous cherchez un roman bien écrit, facile à lire et détendant, ne faites pas comme les autres qui finissent par se ruer sur les daubes commerciales que les éditeurs vous servent pour vous faciliter la vie et faire craquer leur trésorerie. Lisez Torpedo Juice, c’est de la bonne.
Quant à moi, je vous dis bonnes vacances et on se retrouve fin août pour découvrir des tas de bons ou de mauvais trucs perdus dans les 589 romans de la rentrée littéraire. Bonnes lectures à tous, buvez beaucoup, tirez vos coups et attention au soleil parce que ça brûle. Au besoin, tartinez vos amis de crème solaire, vos voisines aussi, et toutes les raies qui s’exposent en rang d’oignons à perte de vue. Qui sait, peut être qu’en insistant bien, vous finirez par trouver l’amour aussi facilement que Serge !
Torpedo Juice, Tim Dorsey. Editions Rivages, juin 2015. 416 p. 23 €
Sur le site de l'éditeur