Il faut que je vous le dise. J’allais entamer la critique d’aujourd’hui sur une note positive ou une remarque non pertinente comme j’en ai l’habitude, tout emballé que je suis par Le Problème à trois corps de Liu Cixin, qui est véritablement un excellent bouquin. Et puis… eh bien, je pense que je ne vais pas pouvoir m’en empêcher, alors je le dis maintenant, et puis on n’en parle plus et on se concentre sur le bouquin, d'accord ? J’ai un peu les boules. Parce que j’ai dévoré ce roman après avoir lu sa quatrième de couverture, ce que tout le monde fait avant de se jeter dans un livre. On peut compter sur l’éditeur pour produire un bon résumé, en théorie. Et bon sang, ne le faites pas. Ça spoile à fond comme jamais. C’est même honteux voire criminel. Je sais qu’on ne peut pas véritablement acheter un livre sans savoir de quoi il parle, mais s’il vous plaît, fiez-vous aux libraires, aux bibliothécaires, à tous les prescripteurs qui l’ont lu et qui ne vous gâcheront pas le plaisir. Parce que même si je suis passé au-dessus de ça pour apprécier le roman, c’est quand même ultra chiant de se faire ruiner le plaisir de presque deux tiers de l’histoire, plaisir ruiné par l’éditeur lui-même, en plus. Donc permettez-moi de hurler un bon gros « FAIT CHIER, PUTAIN ! » et on n’en parle plus.
Le Problème à trois corps, mais qu’est-ce que c’est donc ? C’est avant tout l’histoire de Wang Miao, un scientifique chinois et photographe amateur, que la police contacte un jour pour un sujet des plus sensibles. On veut son aide à propos d’une vague de suicide de scientifiques, tous contactés par une même société mystérieuse, la « société des Frontières de la science ». Enfin, son « aide ». Disons plutôt qu’il a été approché par cette même société et que la police veut une taupe qui puisse l’informer sur elle, l’éclairer sur ses agissements. Sauf que, très vite, Wang Miao voit un compte à rebours apparaître dans les photos qu’il prend, puis dans son propre champ de vision. Une chose impossible, un coup à devenir fou. Vraisemblablement, la réponse se trouve dans un étrange jeu vidéo de simulation de monde apocalyptique à trois soleils, ainsi que dans les souvenirs de Ye Wenjie, une astrophysicienne qui fut enfermée par le gouvernement chinois dans une base militaire secrète afin d’y travailler une bonne partie de sa vie.
Bon, commençons par là : ça fait un bien fou. Et pour plusieurs raisons, au-delà du simple fait que c'est bien écrit et qu'on est pris dedans. D'abord, le livre est un formidable retour à la bonne vieille hard science qui est la source même de la SF. La véritable « Science-fiction » au sens propre du terme, bien trop mal utilisé pour désigner à tort les littératures de l'Imaginaire. Mais passons. Là, on est totalement immergé dans la somme de théories, de théorèmes, de démonstrations et de processus divers qui donnent instantanément vie au récit, même mieux que ça : une véracité. Un ancrage. Et même si on ne pige rien à l'astrophysique et à la relativité restreinte, on est quand même plus happé qu'un roman basé sur la même intrigue et qui prendrait chaque élément pour acquis. Je le disais, de la bonne vieille hard science qui fait plaisir.
Ce qui fait tout aussi plaisir, c'est l'ambiance, assurément. En gros, le roman repose sur une intrigue de thriller d'anticipation, inclut des éléments qui se rapprocheraient du fantastique et de l'angoisse, le tout basé sur le contexte historique et social de la Révolution Culturelle qui lui donne une dimension encore plus profonde. Dans L'Homme qui mit fin à l'Histoire, le côté historique était énormément présent, c'est même pour ça que c'était un excellent bouquin. Mais il y avait peu de place pour la culture. Les faits, et c'est tout, nous étions dans un documentaire. Ici, le roman prend le temps d'évoquer la société chinoise en filigrane, et pas seulement sous Mao. En plus, on y retrouve la délicatesse des textes traduit du chinois, toute la finesse de cette littérature franchement hypnotisante.
Quant à l'intrigue... elle mérite que vous la découvriez par-vous-même. Un suspense pareil ne se dévoile pas comme ça. Ou alors très rapidement : imaginez un monde de scientifiques réalisant que les lois de la physique n’étaient qu’une sommes de hasards réguliers, elles n'ont pas lieu d'être. Rien que ça a un goût de fin du monde. Et c’est au moins à la hauteur, voire plus. Quel dommage pour ce résumé. J’avais dit que je n’en reparlerais pas, mais c’est impossible. Ayez confiance et jetez-vous sur ce livre sans regarder autre chose que l’illustration en couverture, c’est très peu probable que vous soyez déçus. Quant à moi, je vous quitte pour quelque temps, quelques semaines tout au plus. J’aimerais vous dire que c’est pour le break de Noël, mais vous n’êtes pas dupes. Je posterai bientôt une photo du responsable de cette quatrième de couv’ attaché sur une chaise dans une cave cubaine, ne vous en faites pas. Jeunes impatients.
Le problème à trois corps, Liu Cixin. Actes Sud, octobre 2016. 432 p, 23 €.
Sur le site de l’éditeur
Le Problème à trois corps, mais qu’est-ce que c’est donc ? C’est avant tout l’histoire de Wang Miao, un scientifique chinois et photographe amateur, que la police contacte un jour pour un sujet des plus sensibles. On veut son aide à propos d’une vague de suicide de scientifiques, tous contactés par une même société mystérieuse, la « société des Frontières de la science ». Enfin, son « aide ». Disons plutôt qu’il a été approché par cette même société et que la police veut une taupe qui puisse l’informer sur elle, l’éclairer sur ses agissements. Sauf que, très vite, Wang Miao voit un compte à rebours apparaître dans les photos qu’il prend, puis dans son propre champ de vision. Une chose impossible, un coup à devenir fou. Vraisemblablement, la réponse se trouve dans un étrange jeu vidéo de simulation de monde apocalyptique à trois soleils, ainsi que dans les souvenirs de Ye Wenjie, une astrophysicienne qui fut enfermée par le gouvernement chinois dans une base militaire secrète afin d’y travailler une bonne partie de sa vie.
Bon, commençons par là : ça fait un bien fou. Et pour plusieurs raisons, au-delà du simple fait que c'est bien écrit et qu'on est pris dedans. D'abord, le livre est un formidable retour à la bonne vieille hard science qui est la source même de la SF. La véritable « Science-fiction » au sens propre du terme, bien trop mal utilisé pour désigner à tort les littératures de l'Imaginaire. Mais passons. Là, on est totalement immergé dans la somme de théories, de théorèmes, de démonstrations et de processus divers qui donnent instantanément vie au récit, même mieux que ça : une véracité. Un ancrage. Et même si on ne pige rien à l'astrophysique et à la relativité restreinte, on est quand même plus happé qu'un roman basé sur la même intrigue et qui prendrait chaque élément pour acquis. Je le disais, de la bonne vieille hard science qui fait plaisir.
Ce qui fait tout aussi plaisir, c'est l'ambiance, assurément. En gros, le roman repose sur une intrigue de thriller d'anticipation, inclut des éléments qui se rapprocheraient du fantastique et de l'angoisse, le tout basé sur le contexte historique et social de la Révolution Culturelle qui lui donne une dimension encore plus profonde. Dans L'Homme qui mit fin à l'Histoire, le côté historique était énormément présent, c'est même pour ça que c'était un excellent bouquin. Mais il y avait peu de place pour la culture. Les faits, et c'est tout, nous étions dans un documentaire. Ici, le roman prend le temps d'évoquer la société chinoise en filigrane, et pas seulement sous Mao. En plus, on y retrouve la délicatesse des textes traduit du chinois, toute la finesse de cette littérature franchement hypnotisante.
Quant à l'intrigue... elle mérite que vous la découvriez par-vous-même. Un suspense pareil ne se dévoile pas comme ça. Ou alors très rapidement : imaginez un monde de scientifiques réalisant que les lois de la physique n’étaient qu’une sommes de hasards réguliers, elles n'ont pas lieu d'être. Rien que ça a un goût de fin du monde. Et c’est au moins à la hauteur, voire plus. Quel dommage pour ce résumé. J’avais dit que je n’en reparlerais pas, mais c’est impossible. Ayez confiance et jetez-vous sur ce livre sans regarder autre chose que l’illustration en couverture, c’est très peu probable que vous soyez déçus. Quant à moi, je vous quitte pour quelque temps, quelques semaines tout au plus. J’aimerais vous dire que c’est pour le break de Noël, mais vous n’êtes pas dupes. Je posterai bientôt une photo du responsable de cette quatrième de couv’ attaché sur une chaise dans une cave cubaine, ne vous en faites pas. Jeunes impatients.
Le problème à trois corps, Liu Cixin. Actes Sud, octobre 2016. 432 p, 23 €.
Sur le site de l’éditeur