La semaine dernière, on parlait de Noël avec un pantin sous le sapin, témoin d’une époque révolue où le simple fait de bouffer des oranges rendait, à ce qu’on dit, plus heureux que de recevoir le dernier iPad de nos jours. Ou du moins, aussi heureux qu’un puceau à qui l’on offre une poupée gonflable à ses 18 ans et qui fera d’abord semblant d’être gêné et d’insulter gentiment ses lourdauds de potes avant de la planquer soigneusement dans le point le plus haut de sa chambre et de la chérir en rêvant qu’elle devienne une vraie petite amie. C’est donc tout naturellement qu’aujourd’hui, nous ferons une synthèse, un pont entre ces deux époques, pour vous proposer de placer sous le sapin un cadeau fabuleux, inoubliable, beau et intelligent, le cadeau parfait pour votre belle-mère acariâtre, votre petite sœur pimbêche ou votre meilleur ami aux goûts douteux mais excellents. Mesdames et messieurs, Winshluss.
Avant de commencer, j’aimerais rappeler qu’il est indispensable de lire Winshluss. Et si vous croyez moyen en Pinocchio, lisez son cradingue In God we trust, sa relecture trash de la Bible d’une intelligence fine. C’est sa marque de fabrique, tout bêtement. Mais on va revoir ça.
Pinocchio, donc. L’adaptation qui est faite ici est celle du conte de Collodi, bien sûr, mais s’il prend une résonnance toute particulière, c’est évidemment à cause de son adaptation par Disney qui s’est bien chargé d’en faire une icône pour la jeunesse : ce que bousille Winshluss en plusieurs coups de crayon un poil adultes. Un poil. Le conte s’ouvre sur deux scènes malsaines. La première étant le largage de déchets radioactifs à même l’océan, infectant particulièrement un petit poisson. S’en suit le malaise profond d’un alcoolique sans visage imbibé au dernier degré, discutant avec son chat de la superbe voisine d’en face – Je suis sûr que c’est une gouine, hips ! – avant d’engager une roulette russe avec lui. Malaise, disais-je. Mais rapidement, nous pouvons reprendre le fil des joyeuses aventures de Pinocchio, le mignon petit pantin de bois ! Ici, Pinocchio est plutôt un automate métallique créé par M. Geppetto, ingénieur mal dans sa peau cherchant à construire l’arsenal humanoïde ultime pour l’armée… et c’est sa femme qui en fera les frais. Geppetto réagira un peu mal en s’appliquant à dissimuler le corps de sa femme tandis que Pinocchio est revendu par l’alter ego de Grand Coquin à l’usine Stromboli Inc. Et ce n’est que le début…
Avant de commencer, j’aimerais rappeler qu’il est indispensable de lire Winshluss. Et si vous croyez moyen en Pinocchio, lisez son cradingue In God we trust, sa relecture trash de la Bible d’une intelligence fine. C’est sa marque de fabrique, tout bêtement. Mais on va revoir ça.
Pinocchio, donc. L’adaptation qui est faite ici est celle du conte de Collodi, bien sûr, mais s’il prend une résonnance toute particulière, c’est évidemment à cause de son adaptation par Disney qui s’est bien chargé d’en faire une icône pour la jeunesse : ce que bousille Winshluss en plusieurs coups de crayon un poil adultes. Un poil. Le conte s’ouvre sur deux scènes malsaines. La première étant le largage de déchets radioactifs à même l’océan, infectant particulièrement un petit poisson. S’en suit le malaise profond d’un alcoolique sans visage imbibé au dernier degré, discutant avec son chat de la superbe voisine d’en face – Je suis sûr que c’est une gouine, hips ! – avant d’engager une roulette russe avec lui. Malaise, disais-je. Mais rapidement, nous pouvons reprendre le fil des joyeuses aventures de Pinocchio, le mignon petit pantin de bois ! Ici, Pinocchio est plutôt un automate métallique créé par M. Geppetto, ingénieur mal dans sa peau cherchant à construire l’arsenal humanoïde ultime pour l’armée… et c’est sa femme qui en fera les frais. Geppetto réagira un peu mal en s’appliquant à dissimuler le corps de sa femme tandis que Pinocchio est revendu par l’alter ego de Grand Coquin à l’usine Stromboli Inc. Et ce n’est que le début…
On a l’impression que ça part en live, dit comme ça, mais le plus surprenant est que le fil narratif du conte est respecté la quasi-totalité du temps. Et pourtant, on y croise aussi bien Blanche-Neige que des boy-scouts, c’est dire. Mais tout est là, le cirque, le pays des joujoux, Jiminy Criquet (qui est ici un cafard SDF vivant dans sa tête), Monstro et même la pendaison de Pinocchio du conte original. Alors bien sûr, il y a une démarche derrière tout ça, et au-delà du simple dézingage de notre enfance, Winshluss apporte un truc fondamental à son adaptation du conte de Collodi : ce qui se serait passé si c’était arrivé dans notre monde, le vrai, le sale. C’est pour ça qu’on assiste petit à petit à l’enquête sur la mort de Svetlana Geppetto ou aux déboires de Jiminy Cafard en tant qu’écrivain raté bouffé par le système. Tout est prétexte à dénoncer différents pans de notre société – la production industrielle, l’avarice, le viol, la religion, le totalitarisme, etc. – et à l’incorporer à une trame ni complètement fantaisiste ni tout à fait réaliste. Et donc ? Eh bien, c’est le propre des contes, non ? Dispenser une morale ou, au minimum, faire une satire efficace par le prisme de la fiction, enfantine ou non. Mais la touche en plus, c’est que c’est drôle. Délirant parfois, cynique souvent, mais toujours drôle. Ce qui rend les choses encore meilleures, non ? J’avais dit intelligent, je ne vous ai pas menti.
Intelligent, oui, mais j’ai aussi dit beau. Et je vais sans doute me répéter avec ce que j’ai l’habitude de dire sur les illustrateurs qui ont un style trash, mais bordel, ce que Winshluss est un maître de la bande dessinée. Si je devais résumer son dessin en quelques mots, je dirais que c’est le seul à me rendre synesthète. Sans déconner, le dessin de Winshluss a une odeur. Un truc entre la fumée de clope et le ranci. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de trouver des relents de sucrés par endroits, quand il s’amuse à recréer une ambiance faussement enfantine pour nous en faire ressentir tout l’absurde décalage. Mais si le dessin est superbe de base, il faut aussi acclamer Cizo, compère discret de Winshluss sur plusieurs de ses albums. Sans sa mise en couleur, que serait vraiment le dessin final ? Eh bien, on s’en rend assez vite compte avec les parties de Jiminy Cafard en noir et blanc. Sans la couleur, il est drôle et beau. Avec, il devient angoissant et magnifique.
Bon sang.
Intelligent, oui, mais j’ai aussi dit beau. Et je vais sans doute me répéter avec ce que j’ai l’habitude de dire sur les illustrateurs qui ont un style trash, mais bordel, ce que Winshluss est un maître de la bande dessinée. Si je devais résumer son dessin en quelques mots, je dirais que c’est le seul à me rendre synesthète. Sans déconner, le dessin de Winshluss a une odeur. Un truc entre la fumée de clope et le ranci. Pourtant, on ne peut pas s’empêcher de trouver des relents de sucrés par endroits, quand il s’amuse à recréer une ambiance faussement enfantine pour nous en faire ressentir tout l’absurde décalage. Mais si le dessin est superbe de base, il faut aussi acclamer Cizo, compère discret de Winshluss sur plusieurs de ses albums. Sans sa mise en couleur, que serait vraiment le dessin final ? Eh bien, on s’en rend assez vite compte avec les parties de Jiminy Cafard en noir et blanc. Sans la couleur, il est drôle et beau. Avec, il devient angoissant et magnifique.
Bon sang.
Un Fauve d’or, ce n’est jamais vraiment extorqué, mais il faut dire que celui de Pinocchio était mérité au plus haut point. C’est ce qui arrive quand l’alliance de l’intelligence du fond et de le malaise de la forme accouchent d’un album indé particulièrement addictif. C’est ce qui arrive, de temps à autre, quand le boulot remarquable d’un auteur amène à ce genre d’œuvre universelle qui plaira à n’importe qui aime un tant soit peu l’humour et la distance. Parce que bon, le gang bang et le meurtre de chat, ça plait ou ça ne plait pas, mais y’a pas à dire : c’est d’un effet terrible sous le sapin familial, entre les poupons et les nougats aromatisés. L’esprit de Noël. C’est beau.
Pinocchio, Winshluss. Les Requins Marteaux, janvier 2009. 192 p, 22 €
Sur le site de l’éditeur
Pinocchio, Winshluss. Les Requins Marteaux, janvier 2009. 192 p, 22 €
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