De la douceur dans un monde de brutes. Des inondations de lolcats jusqu’aux jeux de reflets superbement naïfs de « 2016 » se changeant en « Joie » dans le miroir, l’expression est resservie partout en ce moment, spécialement depuis que des trous du cul se sont pris de passion pour le ball-trap humain en France ou à l’étranger. Mais la douceur dans le monde de brutes doit-elle s’exprimer par un vain réconfort mielleux, de qualité discutable, juste sous prétexte que nous avons besoin d’un peu de douceur ? « J’ai une amie qui est à l’hôpital, une grande lectrice, et je voudrais lui offrir un livre intelligent, assez exigeant, et qui décoiffe. Ah non, je sais, laissez tomber ! Je vais lui prendre le Jean d’Ormesson ». La réponse est non, et encore non, et on n’a presque plus à se demander pourquoi cette mode du ball-trap. Alors aujourd’hui, on va faire dans le potache heureux, le génie concon, l’expression même de la finesse et de l’intelligence dissimulée sous un ramassis de babils incompréhensibles. Une critique un peu spéciale aujourd’hui puisque j’ai envie de vous parler d’Anouk Ricard et de ses gribouillis adultes en particulier.
Anouk Ricard, c’est une de mes auteurs d’indé préférée, juste à côté de Texier sur mon étagère idéale bien qu’ils n’aient aucune espèce de rapport, si ce n’est le goût du décalage intersidéral. Pour résumer le style Ricard aux néophytes, disons simplement une chose : c’est sacrément couillu. Parce que les BD adultes d’Anouk Ricard sont basées sur un principe simple mais redoutable, mélanger le style graphique d’un enfant un peu doué avec des situations rendues absurdes par un propos adulte incohérent. Dur à piger quand on n’a jamais appréhendé la bête. Commençons par un exemple simple tiré de Faits Divers.
Anouk Ricard, c’est une de mes auteurs d’indé préférée, juste à côté de Texier sur mon étagère idéale bien qu’ils n’aient aucune espèce de rapport, si ce n’est le goût du décalage intersidéral. Pour résumer le style Ricard aux néophytes, disons simplement une chose : c’est sacrément couillu. Parce que les BD adultes d’Anouk Ricard sont basées sur un principe simple mais redoutable, mélanger le style graphique d’un enfant un peu doué avec des situations rendues absurdes par un propos adulte incohérent. Dur à piger quand on n’a jamais appréhendé la bête. Commençons par un exemple simple tiré de Faits Divers.
Premier de la série d’albums que je vous recommande vivement de lire, Faits Divers est la bonne idée du siècle pour Anouk Ricard. Il n’y a pas plus simple, éplucher la presse, trouver un titre débile et réinventer l’histoire pour que le plus véridique et rationnel dans le résultat final soit encore l’accroche tapageuse. Ça se lit vite, ça se dévore, même, mais c’est parfaitement calibré. Trop serait trop. Et on se marre déjà beaucoup. C’est taillé pour elle, lui donner ce concept, c’est comme offrir un trombone à McGyver. On pouvait déjà être certain qu’elle le tordrait dans tout les sens pour en faire un délire constant. Si par le plus grands des malheurs vous seriez toujours hésitants, sachez que ça coûte trois fois rien, une dizaine d’euros, et que c’est un bon moyen de rentrer dans son œuvre.
Si par un bonheur immense, vous entriez conquis dans le monde coloré d’Anouk Ricard, plongez-vous immédiatement dans son œuvre culte, Coucous Bouzon. Résumons un peu. Pour enfin sortir du chômage, le pauvre Richard postule dans une boîte commercialisant des coucous suisses. Son entretien d’embauche le met dans le bain, on lui demande de toucher ses pieds jambes tendues, de dire bonjour au poisson mort et même de ramener son propre ordinateur. Tout ça balancé comme un cheveu sur la soupe par M. Bouzon, le patron lunatique qu’on croirait sous amphés, à mener des réunions aboutissant tantôt sur des crises de larmes, tantôt sur des stages en forêt obligatoires et payants. Richard remplace un employé disparu et tente de comprendre pourquoi. Il y a de fortes chances pour que ce soit à cause de la boîte, au vu de la perte de mémoire qui semble s’être emparée de l’équipe. Quand celle-ci ne lui cache pas certaines informations utiles à son travail, bien sûr.
Voilà encore du grand Anouk Ricard, absurde et hilarant, une idée faite pour devenir un classique de la BD humoristique. Et puis l’idée s’accompagne de son style inimitable dont on parlait tout à l’heure. Surtout que là, le génie se base d’autant plus sur cette idée de décalage. Tirer des titres absurdes de la presse, c’est normal que ça accouche d’un truc débile. Mais là, c’est la vie d’entreprise, le recrutement, même le polar, qui passent à la moulinette. Et le sentiment que ça donne, c’est un peu le résultat d’un devoir demandé à un gamin de l’école primaire. Dessine ton idée de la journée de ton papa ou ta maman. Monsieur et madame Ricard, votre petite Anouk a beaucoup, beaucoup d’imagination.
Si par un bonheur immense, vous entriez conquis dans le monde coloré d’Anouk Ricard, plongez-vous immédiatement dans son œuvre culte, Coucous Bouzon. Résumons un peu. Pour enfin sortir du chômage, le pauvre Richard postule dans une boîte commercialisant des coucous suisses. Son entretien d’embauche le met dans le bain, on lui demande de toucher ses pieds jambes tendues, de dire bonjour au poisson mort et même de ramener son propre ordinateur. Tout ça balancé comme un cheveu sur la soupe par M. Bouzon, le patron lunatique qu’on croirait sous amphés, à mener des réunions aboutissant tantôt sur des crises de larmes, tantôt sur des stages en forêt obligatoires et payants. Richard remplace un employé disparu et tente de comprendre pourquoi. Il y a de fortes chances pour que ce soit à cause de la boîte, au vu de la perte de mémoire qui semble s’être emparée de l’équipe. Quand celle-ci ne lui cache pas certaines informations utiles à son travail, bien sûr.
Voilà encore du grand Anouk Ricard, absurde et hilarant, une idée faite pour devenir un classique de la BD humoristique. Et puis l’idée s’accompagne de son style inimitable dont on parlait tout à l’heure. Surtout que là, le génie se base d’autant plus sur cette idée de décalage. Tirer des titres absurdes de la presse, c’est normal que ça accouche d’un truc débile. Mais là, c’est la vie d’entreprise, le recrutement, même le polar, qui passent à la moulinette. Et le sentiment que ça donne, c’est un peu le résultat d’un devoir demandé à un gamin de l’école primaire. Dessine ton idée de la journée de ton papa ou ta maman. Monsieur et madame Ricard, votre petite Anouk a beaucoup, beaucoup d’imagination.
Mais le summum de ce décalage, c’est quand même son chef d’œuvre absolu, Planplan Culcul. Je vous explique. Il fait partie d’une petite collection bien sympa des Requins Marteaux, appelée « BD Cul » et qui traite, eh bien, de cul. De bande dessinée érotique, plus exactement. Beaucoup d’excellents auteurs s’y sont collés, comme Aude Picault ou Bastien Vivès, par exemple. Le truc, c’est que tous les albums de cette collection sont érotiques. Donc doivent susciter un minimum de désir, par définition. Avec Planplan Cucul, c’est différent. Le sexe n’est rien d’autre qu’une blague potache, et putain ce que c’est drôle. Ça vire plus en parodie de mauvais porno qu’autre chose, et c’est super. Quand le duo de flics arrête deux des héroïnes sur le bord de la route, les prend par derrière (avec le consentement des deux amies chaudes comme la braise), et que le brigadier s’écrie « C’est pour voir s’il n’y a pas de drogue dans le cucul, sergent ? », comment résister plus longtemps ?
C’est ça le style Ricard, c’est irrésistible et il faut à tout prix l’essayer. Et puisque vous serez tout de suite conquis en l’essayant, pourquoi ne pas poursuivre ? Les plus éclectiques d’entre vous peuvent se ruer sur son Petit manuel pour aller sur le pot, album jeunesse aux illustrations délirantes, ou encore sur Le Jeu de toutes les familles, un jeu de sept familles aux familles divorcées, recomposées et même homoparentales qu’elle a dessiné. Tout est fin autant que ridicule, tout est drôle. Et si des auteurs hommes font des foins pas permis pour protester contre le manque d’auteurs femmes sur les listes du Fauve d’Or d’Angoulême, spécialement quand ils citent le mérite d’Anouk Ricard, c’est que c’est foutrement mérité. Si, si. J’insiste. J’insiste énormément.
Faits divers, Anouk Ricard. Cornélius, septembre 2012. 64 p, 11,50 €
Vers le site de l’éditeur
Coucous Bouzon, Anouk Ricard. Gallimard BD, septembre 2011. 96 p, 16,25 €
Sur le site de l’éditeur
Planplan culcul, Anouk Ricard. Les Requins Marteaux, novembre 2013. 136 p, 12 €
Sur le site de l’éditeur
Petit manuel pour aller sur le pot, Paule Battault/Anouk Ricard. Seuil jeunesse, juin 2014. 14 p, 9,90 €
Sur le site de l’éditeur
Le jeu de toutes les familles, Anouk Ricard. Les Requins Marteaux, octobre 2015. 54 cartes, 12.50 €
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C’est ça le style Ricard, c’est irrésistible et il faut à tout prix l’essayer. Et puisque vous serez tout de suite conquis en l’essayant, pourquoi ne pas poursuivre ? Les plus éclectiques d’entre vous peuvent se ruer sur son Petit manuel pour aller sur le pot, album jeunesse aux illustrations délirantes, ou encore sur Le Jeu de toutes les familles, un jeu de sept familles aux familles divorcées, recomposées et même homoparentales qu’elle a dessiné. Tout est fin autant que ridicule, tout est drôle. Et si des auteurs hommes font des foins pas permis pour protester contre le manque d’auteurs femmes sur les listes du Fauve d’Or d’Angoulême, spécialement quand ils citent le mérite d’Anouk Ricard, c’est que c’est foutrement mérité. Si, si. J’insiste. J’insiste énormément.
Faits divers, Anouk Ricard. Cornélius, septembre 2012. 64 p, 11,50 €
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Coucous Bouzon, Anouk Ricard. Gallimard BD, septembre 2011. 96 p, 16,25 €
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Planplan culcul, Anouk Ricard. Les Requins Marteaux, novembre 2013. 136 p, 12 €
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Petit manuel pour aller sur le pot, Paule Battault/Anouk Ricard. Seuil jeunesse, juin 2014. 14 p, 9,90 €
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Le jeu de toutes les familles, Anouk Ricard. Les Requins Marteaux, octobre 2015. 54 cartes, 12.50 €
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